
Faites confiance à Daniel Lavoie pour deviner le bon « coup » qui se profile à l’horizon : après une quinzaine d’albums et des millions de disques vendus, il est normal qu’il ait eu du flair quand Luc Plamondon lui a parlé de son projet d’adaptation du roman de Victor Hugo… « Je me suis tout de suite dit que ça sentait bon », explique-t-il aujourd’hui. « J’avais justement envie de faire autre chose, de me lancer un nouveau défi. Mais bien sûr, de là à imaginer un tel succès… Le premier soir, on avait tous le trac, on était très stressés à l’idée de savoir comment ‘ils’ allaient réagir… Mais depuis qu’on a décollé, on vole sans atterrir, on n’a pas eu le temps de regarder une seule fois en arrière ! ».
Un rôle lourd à porter
Si le spectacle a constitué un tremplin exceptionnel pour ceux de la troupe qu’il appelle affectueusement les « jeunes », pour lui, après des années de succès dans la chanson, le défi était ailleurs. « On leur offre le monde, c’est formidable. Mais pour moi, c’est différent. Je voulais faire quelque chose que je n’avais jamais fait, être acteur. J’ai trouvé l’idée de jouer un prêtre très drôle. Et un méchant de surcroît, ce qui ne correspond pas à mon caractère », précise-t-il avec un franc sourire, comme pour souligner l’évidence. Mais tous les acteurs vous le diront, les méchants c’est ce qu’il y a de plus jouissif à interpréter !
Pourtant, après plus d’un an, on sent que son plaisir s’est, sinon émoussé, du moins profondément transformé. « Finalement, c’est beaucoup moins amusant que je croyais. C’est très épuisant parce que lourd à porter. Je ne le savais pas mais un rôle peut finir par vous bouffer, vous squatter. Un acteur peut devenir l’instrument de son personnage ». Pour y échapper, il a beaucoup intellectualisé sa relation à Frollo afin que ce dernier reste bien « sa » créature. « Il est pathétique, malheureux. Il a élevé Quasimodo et lui a donné de l’amour. Ce n’est donc pas un être uniquement méchant, ce ne serait pas crédible. Simplement, il ne contrôle pas cette passion pour la bohémienne, passion qui le bouffe ».
Notre Dame de Londres
Désormais, il aspire à prendre un peu de champ. Quand on lui demande ce qu’il va faire maintenant qu’Herbert Léonard a repris le rôle en alternance, il avoue : « Je ne sais pas ! Je travaille déjà depuis trois ou quatre ans sur un disque, sur des chansons très personnelles. Je vais pouvoir m’y remettre maintenant que je dispose de plus de temps. Mais j’y vais un peu à tâtons, j’ai envie de choisir ce qui m’intéresse vraiment ».
Que ses fans se rassurent. Il ne s’agit pourtant pas pour lui de tourner la page, du moins pas tout de suite. « C’est vrai », reconnaît-il, « je vais faire partie de la distribution du spectacle en Angleterre [en mai-juin 2000]. Quelles portes cela va-t-il nous ouvrir ? Je n’en sais rien encore mais c’est quelque chose qui m’intéresse. Je n’avais encore jamais travaillé à Londres ». Et d’avouer qu’il ne dirait pas non à une escapade américaine si, d’aventure, le show se montait à Broadway : « Pourquoi pas ? J’adore New York ! ».
Quel sort attend la version anglaise de Notre Dame de Paris ? Les musicals hexagonaux qui ont fait carrière dans le monde entier ne sont pas légion — on pense bien sûr aux Misérables, merci Victor Hugo ! — mais Daniel Lavoie y croit : « Il n’y a pas une explication au succès de ce spectacle, il y en a au moins deux cents. Et tout le monde est touché. Tous les producteurs étrangers qui l’ont vu sans parler ni même comprendre le français sont sortis bouleversés par l’émotion qui se dégage de la salle ».
Il y a trois ans, quand Plamondon faisait le tour de la profession pour convaincre de la viabilité de son projet Notre Dame de Paris, ils étaient bien peu à avoir eu l’intuition de Daniel Lavoie. On saura bientôt s’il a toujours autant de flair.