Londres — Without You (Critique)

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Dans les pre­miers mois de 1996, un événe­ment vint cham­bouler Broad­way de façon con­séquente. RENT, un opéra-rock adap­té de La Bohème, par un cer­tain Jonathan Lar­son, allait devenir un véri­ta­ble phénomène cul­turel. Dans RENT, un groupe de jeunes adultes essaie de sur­vivre au début des années 90 dans l’East Vil­lage, entre drogue, pau­vreté et SIDA : et quand son auteur, Jonathan Lar­son, meurt bru­tale­ment à 35 ans la veille de la pre­mière off-Broad­way, le show prend une réso­nance encore plus pro­fonde et devient un véri­ta­ble phénomène. Pen­dant douze ans Mark, Mimi, Roger et leurs proches ont scan­dé « no day but today » (vivre l’in­stant présent) à Broad­way, nous rap­pelant à tous de vivre chaque jour pleine­ment comme si c’é­tait le dernier.

Par­mi la troupe orig­i­nale, Antho­ny Rapp joue le rôle de Mark Cohen, le réal­isa­teur qui sert de fil con­duc­teur à l’his­toire. Il rejoint le pro­jet dès 1994, et en voit toutes les étapes de créa­tion. En par­al­lèle, sa vie per­son­nelle le rat­trape lorsqu’il apprend que sa mère est atteinte d’un can­cer. Les deux années qui suiv­ront seront très éprou­vantes, entre le process de créa­tion de RENT, suivi de son énorme suc­cès, et la dis­pari­tion de Jonathan Lar­son, puis de sa mère après une longue maladie.

Rapp est tou­jours resté très proche du spec­ta­cle, reprenant son rôle à plusieurs repris­es, notam­ment pour les toutes dernières représen­ta­tion de la pro­duc­tion orig­i­nale, et accep­tant de venir par­ler du phénomène dans les lycées et uni­ver­sités aux Etats-Unis. En 2006, il écrit un livre rela­tant cette par­tie de sa vie, With­out You: A Mem­oir of Love, Loss, and the Musi­cal Rent qui sert de base à son spectacle.

Rapp com­mence son one-man-show avec sa pre­mière audi­tion pour RENT. De ce point de départ — sa ren­con­tre avec Lar­son — il nous entraine dans les couliss­es de la créa­tion du spec­ta­cle, puis dans l’é­mo­tion de la perte bru­tale de son créa­teur. Habile­ment entre­coupé d’ex­traits de chan­sons (quelques orig­i­nales, quelques repris­es, et RENT, for­cé­ment), le rythme du spec­ta­cle est soutenu et ne retombe à aucun moment ; et si l’on pour­rait crain­dre de s’en­nuy­er devant cette his­toire, sim­ple en apparence, il n’en est rien. Les fans se rep­longeront dans l’his­toire d’un spec­ta­cle-culte, et les novices se lais­seront emporter par ce réc­it pas­sion­né et émouvant.

Rapp  sait met­tre sa voix en valeur et l’é­mo­tion qu’il dégage est prenante. Pour les fans, l’en­ten­dre chanter des extraits de RENT n’ap­par­tenant pas à son rôle (notam­ment une très jolie ver­sion de « One Song Glo­ry ») est un délice. De plus, il faut saluer les arrange­ments musi­caux de Dan Weiss et Tom Kitt, par­ti­c­ulière­ment réus­sis : aus­si belle soit-elle, une chan­son de groupe comme « Sea­sons of Love » est rarement con­va­in­cante inter­prétée en solo ; ici par de très sub­tils change­ments, et en s’ap­puyant au max­i­mum sur les (excel­lents) musi­ciens présents, on redé­cou­vre cette mélodie pour­tant enten­due des cen­taines de fois.

Autre pas­sage intéres­sant, quand Rapp relate le déroule­ment de la pre­mière de RENT off-Broad­way en prenant pour repère cer­tains pas­sages du spec­ta­cle : les musi­ciens en fond passent d’une mélodie a l’autre, com­mençant quelques accords de « RENT », puis « One Song Glo­ry », puis « Light my Can­dle » … En qua­tre ou cinq min­utes, toutes les chan­sons prin­ci­pales sont évo­quées, et on se sur­prend à visu­alis­er d’au­tant mieux les dif­férentes anecdotes.

Alter­nant entre his­toire pro­fes­sion­nelle et per­son­nelle, cer­tains pas­sages peu­vent sem­bler très intimes (et ils le sont), mais Rapp sait habile­ment dos­er son réc­it pour ne pas tomber dans un voyeurisme pri­maire. Il choisit de racon­ter une par­tie de sa vie, très sim­ple­ment et sans fioritures.

With­out You ouvre ce soir à Lon­dres, et se jouera jusqu’au 15 Sep­tem­bre. Il est fort pos­si­ble que vous ressor­tiez du spec­ta­cle avec une envie de voir ou revoir RENT sur scène… Cela tombe bien, une troupe anglaise jouera juste­ment le show du 5 au 16 Sep­tem­bre au Green­wich Theatre.

http://www.withoutyoutheshow.com

http://www.greenwichtheatre.org.uk