Souvenez-vous : nous sommes à la fin des années 1800. Après avoir relâché Christine qui pouvait désormais s’unir à Raoul sans craindre le Phantom, ce dernier avait déserté le Palais Garnier.
Nous voici donc maintenant en 1907 ; Christine, Raoul, et leur fils Gustave s’apprêtent à traverser l’Atlantique pour débarquer à Coney Island, célèbre parc d’attraction de la côte est des Etats-Unis. Son mystérieux propriétaire a en effet invité Christine à venir chanter sur scène, entre deux numéros de cabaret et phénomènes de foire.
Une fois sur place, il ne suffit que de peu de temps a Christine pour réaliser que son amie Meg et Mme Giry sont de la partie (Meg étant désormais danseuse de cabaret), que le propriétaire n’est autre que le Phantom, et que son mari n’apprécie que très moyennement ce retournement de situation.
Voici, dans les grandes lignes, l’intrigue de Love Never Dies. Certains aspects tenant plus du « spoiler » sont volontairement évités ici afin de ne pas gâcher l’effet de surprise du spectateur, si tant est qu’un effet de surprise est possible tant les rebondissements sont clichés.
Où commencer ? Alors que The Phantom of the Opera reposait sur un mystère, et la relation unique qui liait Christine au Phantom, ici tout est simplifié et perd de son grandiose. Christine n’a aucun caractère, Raoul est alcoolique, joueur, et plutôt odieux, et le Phantom (renommé « Mr Y. » sur scène, il n’est a aucun moment désigné en tant que « Phantom ») serait presque complètement humain sans son masque ; il ne fait plus peur a personne.
Où est le livret ? Où est la continuité avec l’œuvre originale ?
Il semblerait que l’équipe créative (Andrew Lloyd Weber, Glen Slater, Frederick Forsyth, et Ben Elton) se soit focalisée sur la mise en scène et l’aspect visuel, au détriment du classique trio livret/musique/paroles.
Car il faut le reconnaître, la mise en scène est recherchée. Elle a beau avoir été critiquée par de nombreux fans et journalistes pour son côté trop moderne (énorme utilisation d’effets spéciaux) et parfois minimaliste, la technique est très bien maitrisée et sert plutôt bien l’histoire. Oui, cela est très moderne et loin du théâtre « classique », mais il faut l’avouer, on reste impressionné par ce qui se passe sous nos yeux sans toujours pouvoir comprendre comment les perspectives ou les illusions optiques sont faites !
De part son thème très « fête foraine », l’identité visuelle de Love Never Dies est a mille lieues du Fantôme de l’Opéra : haute en couleurs, avec des costumes mi-gothique, mi-paillettes pour les « freaks » (phénomènes de foire) et un côté cirque très présent (acrobates et trapézistes lors de l’arrivée a Coney Island).
Mais alors…faut-il aller voir Love Never Dies ?
Tout dépend. Déjà, il n’est pas nécessaire d’avoir vu The Phantom of the Opera tant les histoires ne sont pas liées. Ensuite, les « Phans » (fans du Phantom) risquent d’être déçus par cette suite tant attendue. Peut être que trop d’espoirs et de pression ont eu raison du projet. Mais d’un autre côté, on peut également approcher le show d’une façon plus second degré : « The Beauty Underneath », par exemple, va devenir un « must-see » pour tout fan de comédie musicale. Dans ce numéro, le Phantom confronte Gustave à ses sentiments et réalise qu’il est son père, dans un duo rock avec un son très… eighties et des rayons laser. Egalement, l’animatronic grandeur nature de Christine, gardé jalousement par le Phantom dans sa demeure, est d’une originalité certaine. Et le summum reste la scène finale, dont le contenu ne sera pas révèle ici, mais une seule chose est à retenir : elle est longue (très longue), peu cohérente, et pas franchement satisfaisante.
Au final, on ressort de la salle avec un sentiment de gâchis. Car les moyens, financiers comme humains, étaient là, mais ont été complètement sous-exploités.
Lors des dernières previews ce week end, le public (principalement composé de touristes) a fait une standing ovation lors du salut de Ramin Karimloo, très convaincant en Phantom. Mais dans le lobby, beaucoup de questions se faisaient entendre et l’incompréhension devant certains choix était palpable.
Love Never Dies vient d’ouvrir officiellement devant le tout Londres, avant de s’exporter à Broadway cet hiver. Le show a encore tout le temps d’évoluer, mais après avoir passé tant d’années sur ce projet, on se demande comment Andrew Lloyd Weber va pouvoir rectifier le tir.