Broadway n’a jamais été aussi proche de Paris — Depuis le 1er avril, et jusqu’au 2 octobre, les hippies du revival de Hair à Broadway ont débarqué au Gielgud Theatre, et chamboulent le West End.
Le Gielgud est méconnaissable — les marionnettes d’Avenue Q (précédent locataire du théâtre, avant leur transfert au Wyndhams) ont définitivement disparu ; des tapis et des voilages tie-dye sont partout. Des échelles multicolores sont fixées sur les côtés et montent jusqu’au deuxième balcon. Le ton est donné : Hair est une expérience de partage, et le public fait partie de la performance tout autant que la tribu.
Hair n’avait pas été monté à Broadway depuis 40 ans ; et autant d’années à Londres. Et pourtant certaines chansons font partie de la culture populaire, comme « I Got Life », « Aquarius » ou le tube « Let the Sun Shine In ». Un thème universel, des chansons entrainantes, pas de gros coûts de production… pourquoi a‑t-il fallu attendre aussi longtemps?
Petite piqûre de rappel : Berger, Sheila et leurs amis vivent a New York a la fin des années soixante, entre révolution sexuelle, rébellion, et guerre du Vietnam. Claude va-t-il suivre la tribu et refuser d’aller se battre, ou au contraire va-t-il rentrer dans les rangs malgré ses principes pacifistes?
En tout cas, 40 ans après, le spectacle n’a pas pris une ride. Musicalement, les arrangements de Nadia Digiallonardo (Music Director) donnent un petit côté rock très agréable et résolument moderne. Le décor est assez minimaliste, avec les musiciens en fond de scène devant un mur de briques aux couleurs « flower power », un van dans un coin et des tapis partout. Reste la troupe…
Il est impossible de résister à tant d’énergie « peace & love » déployée pendant les 2 heures 15 du show. Dès les premières secondes d’« Aquarius », chanté en cœur par la tribu, on comprend que les choses ont été faites en grand : voix exceptionnelles, 26 artistes, 11 musiciens, costumes détaillés, et une pêche incroyable. Will Swenson (Berger) débarque sur scène et semble être aussi shooté que son personnage. Il interpelle le public du premier rang, se présente, entonne un « Donna » absolument survolté. Pas une seconde de répit. Le premier acte est rythmé à une vitesse folle (comparé à un deuxième acte un petit peu plus « relax », mais ce n’est pas une mauvaise chose!) avec des chansons qui s’enchainent les unes après les autres. Il est vrai que le livret de Hair n’est peut être pas la force du show, mais parfois, surtout sur le premier acte, on aimerait un peu plus de dialogues entre les chansons, pour « digérer » ce que l’on vient d’entendre, et ménager une respiration.
Régulièrement la troupe investit la salle (de l’orchestre au deuxième balcon, escaladant les sièges par moments) pour interagir avec le public : une danse, quelques chignons défaits lors de « Hair », une distribution de tracts pour le « Be-In » et des fleurs, au final rien de très méchant et les artistes respectent les spectateurs terrifiés à l’idée d’être cible d’attentions, et cherchent immédiatement une nouvelle victime. Mais n’espérez pas être à l’abri, c’est une volonté, le public fait partie intégrante du spectacle.
Concernant la troupe, chacun est unique et excellent dans son rôle, les voix et les personnalités se complètent ou se font écho. Et c’est le tout qui fait que cela fonctionne. La prestation de Will Swenson (Berger) serait sans doute fatigante, isolée. Mais en tant qu’élément de l’ensemble et face à Gavin Creel (Claude), elle est exceptionnelle. Un vrai sentiment de communauté se dégage de la troupe, et sans doute cela est accentué à Londres, où l’équipe, déracinée, s’est installée pour six mois.
L’accueil du public anglais est plutôt bon, mais pour le moment pas dithyrambique. Les spectateurs sont surpris par l’interactivité de la pièce, les thèmes et le langage utilisés (il s’agit de Hair : donc oui, le spectacle comprend des références à la drogue, au sexe, et de la nudité), mais la plupart se laissent prendre au jeu, une fois le premier choc passé.
L’ouverture officielle a eu lieu le 14 avril, avec une période de réservation ouverte jusqu’en octobre prochain.
Il faut se rendre a l’évidence : à l’heure actuelle, Hair est LE spectacle à voir a Londres. Il est extrêmement rare d’avoir la quasi-totalité d’un cast américain dans le West End, et celui-ci est à ne pas rater. Courez‑y si possible avant fin mai, car il se murmure que Will Swenson, contrairement à ses camarades, ne resterait en Europe que pour deux mois.
« Hair » lors des Tony Awards 2009 :
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