Auteur : Stephen Temperley.
Traduction : Stéphane Laporte.
Mise en scène : Agnès Boury.
Costumes : Eymeric François.
Décor : Claude Plet.
Lumières : Laurent Beal.
Avec : Agnès Bove et Grégori Baquet.
Riche héritière américaine dans les années 30, Florence Foster Jenkins s’improvise soprano colorature et inflige aux plus fameux airs un traitement redoutable par sa fausseté et ses fantaisies rythmiques. Cela ne l’empêche pas de devenir incroyablement célèbre et même de se produire au prestigieux Carnegie Hall.
Au piano d’un club de jazz en vogue à New York, Cosme Mac Moon, son accompagnateur, nous fait revivre les souvenirs à la fois hilarants et bouleversants des douze années de leur étonnante collaboration.
Colorature, Mrs Jenkins et son pianiste a été créé avec succès à Broadway en 2005 avant de devenir l’un des spectacles les plus joués aux États-Unis. Il a été produit de nombreuses fois en Europe et en Amérique du Sud. « Coup de cœur » du Festival Avignon Off 2012, l’adaptation française de ce spectacle irrésistible est enfin présentée à Paris.
Notre avis : New York au milieu du siècle dernier. Florence Foster Jenkins est richissime. Auto-déclarée soprano colorature, elle a découvert, au gré d’un accident de taxi, qu’elle pouvait atteindre les notes improbables de la Reine de la Nuit. Chaque année, elle offre des récitals à un public trié sur le volet, dans la salle de bal du Ritz-Carlton. Elle fait même salle comble au Carnegie Hall, en 1944. Dotée d’une personnalité exubérante et d’une passion pour les costumes de scène peu discrets, Florence Foster Jenkins avait tout pour devenir culte. Car, malgré son oreille absolue – toujours auto-déclarée – elle n’a aucun sens du rythme, de la justesse, des notes, du bon goût et aucun recul sur les effets produits par sa voix. De fait, si les spectateurs se bousculent pour venir l’entendre, ce n’est que pour rire de ses prestations au cours desquelles les plus grands airs d’opéra sont massacrés avec emphase.
Colorature fait revivre celle qui est, depuis, devenue une icône, même pour les mélomanes, par le biais des souvenirs de son pianiste accompagnateur, Cosmé McMoon. Gregori Baquet et Agnès Bove offrent une interprétation toute en nuances pour convoquer les fantômes des personnes qu’ils incarnent à travers le récit de leurs douze années de collaboration. Si les situations sont drôles, voire grotesques, on s’attache aux deux personnalités à travers le lien qu’elles tissent entre elles. De fait, au ridicule involontaire de l’une répond la délicatesse de l’autre. Aux airs savamment saccagés par l’une s’impose la plaisante mélodie, inlassablement jouée par l’autre. Alors on rit bien entendu. Mais tel le clown triste, le personnage de Jenkins inspire également de la compassion. Au fil du spectacle, on comprend progressivement sa popularité – puis sa postérité — ainsi que la bienveillance qu’elle inspirait. Et la confrontation des sentiments éprouvés durant tout le spectacle est fondamentalement due au talent des deux artistes et à la complicité évidente qu’ils semblent avoir créée. Dans cette évocation musicale où l’on attendait raillerie et cruauté, on perçoit finalement beaucoup de tendresse…