Christophe Mirambeau, comment avez-vous (re)découvert cette oeuvre de Cole Porter ?
Recréer cette Revue des Ambassadeurs est une idée qui me trotte dans la tête depuis plus de dix ans, lorsque j’ai découvert l’unique édition papier des chansons du show – édition anglais-français, prolongement éditorial du succès du spectacle, ainsi que cela se faisait alors, et comme cela se pratique toujours à Broadway. C’était en quelque sorte une partition orpheline, les droits éditoriaux étaient perdus pour la France, c’était compliqué à exploiter en l’état, d’autant qu’il ne s’agissait pas d’une intégrale. Aucune archive aux Etats-Unis, seulement trois chansons exploitées ultérieurement par Porter dans d’autres revues et dont il reste trace… Pas de sources musicales à part ce que je venais de trouver… Et puis, il y a quelques années, à l’occasion de mes travaux de recherche, j’ai par un hasard total découvert et identifié les « piano-chant » des numéros manquants. J’avais soudain des sources supplémentaires ! Petit tour à la bibliothèque du Congrès, accès au programme original de la Revue et je découvrais que j’avais maintenant toutes les chansons disponibles de Porter pour la revue. J’ai précieusement conservé mes sources, en me disant : one day, when I grow up…
Comment définiriez-vous La Revue des Ambassadeurs ? Quels éléments caractéristiques de Cole Porter y retrouve-t-on ?
Cette revue est typiquement américaine ; écrite et produite à Paris, elle fait des Champs Elysées — où était situé l’ancien Théâtre des Ambassadeurs, actuel Espace Cardin — une proche banlieue de la 42e rue. On y retrouve toutes les saveurs du Cole Porter des années 20 : une féroce joie de vivre, un entrain communicatif, des mélodies prégnantes, qui conquièrent votre oreille et ne vous quittent plus ; les chansons « sentimentales » sont un délice de joliesse et de grâce, sans jamais verser dans la mièvrerie (l’un des plus grands talents du Porter lyriciste) et vous font battre le cœur. Et puis, il y a l’esprit. On se régale de lyrics ciselés, intrinsèquement drôles… Un esprit « parisien » mais en anglais. Rien d’étonnant à cela, puisque Cole Porter, l’un des plus francophiles artistes américains, a déjà beaucoup vécu en France — et combattu pour elle lors de la Grande Guerre. Les chansons sont très jazzy : c’est au fond pour cela qu’on programme Porter à Paris : n’oublions pas qu’en 1923, il avait emballé le public des Ballets Suédois de Rolph de Maré avec Within The Quota, le premier « ballet américain » jamais créé. Public et intellectuels avaient été autant chavirés par l’inventive chorégraphie de Jean Börlin que par l’enthousiasmante partition de Porter, devenu chouchou de Paris.
Parlez-nous de cette nouvelle orchestration de Larry Blank…
Quand j’ai demandé à Larry s’il voulait bien faire cette re-création avec moi, j’ai vu son œil s’allumer. Il a de suite trouvé le projet aussi intéressant qu’inattendu, et il s’est jeté dans cette folle aventure DIVA. Très vite, nous avons parlé « style ». Il voulait savoir quel était mon souhait, car, en somme, la notion de re-création est vague, et nécessite des ajustements pointus. Il a pris connaissance des sources, et puis nous avons discuté. Je ne voulais pas que cela sonne vieux, et pourtant, je souhaitais que cela sonne « d’époque » ; je ne voulais pas d’une orchestration « pop », mais je voulais qu’elle respecte à la fois la musique de Porter et notre goût contemporain. En quelques minutes, nous sommes tombés d’accord : notre « modèle », si je puis dire, serait ce qu’a fait le merveilleux Ralph Burns en 1971 pour le revival de No No Nanette à Broadway. Je viens de lire les orchestrations que viennent de me livrer Larry et son talentueux co-orchestrateur Patrick O’Neil, et que nous entendrons ce 3 mai à la Mutualité : une classe hyperbolique, un glamour voluptueux, « entertaining » à souhait, follement « Broadway grande époque ». La seule lecture de la partition d’orchestre des chansons de ces Ambassadeurs m’a renversé de bonheur et d’admiration, et je sais d’ores et déjà que le résultat final va être extraordinaire. En ce qui me concerne, chapeau bas, c’est du très haut de gamme ; Larry Blank n’a pas été trois fois nommé aux Tonys pour les meilleures orchestrations par hasard ! Cerise sur le gâteau, c’est un chef d’orchestre chevronné ; je lui ai confié la baguette pour diriger l’Orchestre des Concerts Pasdeloup à cette occasion.
Le public de DIVA connaît bien Jérôme Pradon et Vincent Heden, mais pouvez-vous nous présenter Amy Burton et Lisa Vroman, les autres interprètes de la Revue ?
Retrouver Jérôme Pradon et Vincent Heden pour un concert haut de gamme de ce type est une incroyable satisfaction : deux talents énormes, que j’aime et que j’admire, associés à deux stars américaines d’une incontestable voilure, cela promet quelques splendeurs vocales dont je me régale d’avance. Amy Burton est très connue à New York en tant que soprano vedette du New York City Opera, dont elle fut l’une des plus belles cantatrices. Protéiforme, elle a autant chanté l’opéra que les classiques de Broadway ou les contemporains américains. Elle a la particularité d’être l’une des rares chanteuses anglo-saxonnes, à l’instar de Dame Felicity Lott ou encore Susan Graham, à avoir travaillé et défendu la comédie musicale française d’entre deux guerres, notamment avec un show « Yvonne Printemps » remarquable et remarqué. Lisa Vroman, de son côté, est réputée pour définitivement être LA Christine Daaé du Phantom of the Opera. Voix ductile, souple, sensuelle, qui sait tout aussi bien se faire gaillarde et spirituelle, Lisa Vroman excelle à la fois dans le grand répertoire Broadway, « à voix », que dans l’opéra contemporain américain. Musicienne racée, elle avait déjà à son répertoire de concert «You and Me », l’une des rares chansons de La Revue des Ambassadeurs que Cole Porter ait exploitée par la suite. Une chanson qui est presque le fétiche de son répertoire. Comment donc se passer de Lisa Vroman, qui a répondu à mon invitation avec enthousiasme ? Entouré du Diva Chorus — l’ensemble Diva constitué des artistes de comédie musicale qu’on a l’habitude d’applaudir en saison sur les scènes parisiennes — le quatuor vocal Burton/Vroman/Pradon/Heden promet des étincelles.
A consulter également, le nouveau site de DIVA.