Christophe Bonzom, vous avez fait vos premiers pas dans la comédie musicale avec La Comtesse Dracula.
Oui, c’était un spectacle de Michel Frantz et Philippe Rondest. Micheline Dax en tenait le rôle principal et j’y jouais déjà un vampire. C’est un très bon souvenir. L’expérience était nouvelle et très enrichissante. J’adore le mélange des genres et là, j’étais servi. On n’a vraiment pas eu de chance parce qu’on a démarré au Nouveau Théâtre Mouffetard au beau milieu des grèves de décembre 95, sous le gouvernement de Juppé. Paris et la France entière étaient bloqués. On a joué deux semaines puis il a fallu arrêter. On a repris deux semaines de plus, vers la fin du mois, mais c’était trop tard. Le jouet était cassé. Ensuite, on a tourné un peu mais La Comtesse n’a vraiment pas eu la vie qu’elle aurait dû avoir.
Ce n’est pas juste une question d’envie. Pour La Comtesse Dracula, j’avais eu une audition par l’ANPE du spectacle. C’était vraiment un hasard. Je passais là-bas pour déposer des photos et j’ai vu l’annonce. Il y avait un rôle de vampire qui me faisait envie. L’audition était le jour même. J’ai appelé mon pianiste. On a passé ensemble deux chansons tirées de notre récital. Il était trop tard pour s’inscrire, mais on y est allé au culot. J’ai passé la deuxième audition, puis la troisième et là, c’était bon. Mais la comédie musicale, comme le monde de la chanson d’ailleurs, c’est un « milieu » et je n’y appartenais pas vraiment. Par ailleurs, je bossais sur mes propres chansons, ce qui me prenait beaucoup de temps.
J’ai, au départ, une formation de comédien. Je viens du sud de la France. J’ai fait le Conservatoire d’Art Dramatique d’Avignon puis je suis arrivé à Paris. J’ai bossé très vite dans le théâtre et même dans le théâtre chanté. J’ai participé à un spectacle sur les fables de La Fontaine qui était un peu dans la veine des Frères Jacques. J’ai aussi suivi des cours chez Niels Arestrup et à l’Atelier International de Théâtre où on pratique la méthode de l’Actor’s Studio. J’ai joué Mort sans sépulture de Sartre, Knock de Jules Romains, Les contes de la rue Broca avec lequel j’ai tourné pendant deux-trois ans, Petit boulot pour vieux clown. J’ai aussi fait une mise en scène au café-théâtre. Mais c’est la chanson qui m’a toujours attiré en premier. Quand j’avais treize ans, mes parents m’ont emmené voir Yves Montand en concert. C’est un souvenir très fort, ça a été un vrai déclic. Je l’ai trouvé impressionnant. Ce type, tout seul, qui vous embarque, c’était très beau. A Paris, j’ai donc suivi, en parallèle, des cours de chant classique. J’y
ai appris que le travail de la voix était lié au travail du corps. Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre.
Depuis quand chantez-vous en solo ?
Depuis 1993. A l’époque, j’interprétais le répertoire de la chanson française. En 1996, j’ai commencé a chanter mes propres compositions. J’ai proposé mes chansons dans des petits cafés-concerts à Paris comme le Limonaire. Petit à petit, l’oiseau a fait son nid. Au début, c’était juste piano-voix. On a ensuite ajouté le violon et la formation s’est progressivement agrandie. Ca fait quatre ans qu’on fait des concerts un peu plus importants, à la Cité de la Musique ou aux Abbesses à Paris. J’ai fait un premier disque. La chanson, c’est mon langage artistique à moi, mon mode d’expression préféré. Aujourd’hui, je travaille sur un nouvel album. J’ai créé un spectacle en août dernier, avant Créatures, à Niort. Je suis, en ce moment, en tournée avec ce spectacle.
Venons-en à Créatures. Comment vous êtes vous retrouvé sur cette aventure ?
Alexandre Bonstein est venu me voir chanter au Théâtre des Abbesses. Un copain l’avait emmené. Je crois qu’il a flashé sur ce que je faisais. Il m’a proposé, la même année, de lire le texte de Créatures et ça m’a tout de suite intéressé. Ce type qui voit tout ses démons refaire surface, ça m’a beaucoup plu. Et puis j’ai aimé cette idée qu’à cinq interprètes, on jouerait une multitude de personnages. C’était une espèce de pièce à tiroirs. Tout ça était présent rien que dans l’écriture. J’étais aussi très excité de me confronter à nouveau à d’autres interprètes. Je n’avais pas fait ça depuis un certain temps. En tant que chanteur soliste, j’ai les musiciens avec moi. Ils me donnent le change mais je suis, quand même, à la proue du navire. Là, c’est beaucoup plus confortable. C’est un jeu à cinq. Ca fonctionne comme une partie de ping pong. Le rythme y est très important, qu’il s’agisse des répliques, des entrées en scènes, des changements de costumes. Tout ça est très stimulant. Je prends vraiment mon pied avec ce spectacle. Je ne fais que des personnages « hard » : la mort, le vampire, mais ils sont tous très attachants. Ils ont des faiblesses très humaines.
Certains de vos collègues sont de vrais fans de comédies musicales. Quelles sont celles que vous aimez ?
En fait, je connais très peu la comédie musicale. Je découvre le genre avec Alexandre Bosntein et Patrick Laviosa. Ils n’arrêtent pas d’en parler. Moi, je connais quelques films comme Chantons sous la pluie ou Mary Poppins. J’ai adoré le film tiré de Chicago. Mais je ne suis absolument pas dans un ostracisme culturel. J’adore le mélange des genres. J’adore les rencontres, c’est ce qui m’intéresse dans ce métier. Si demain on me propose une suite de Créatures ou quelque chose du même acabit, j’aurai envie de le faire. La comédie musicale, c’est une pratique bien particulière. On chante, on joue, on danse. Mes camarades apprennent des pas de danse en deux jours. Moi, il me faut deux mois. Je suis très mauvais en danse. Mais je donne le change parce que j’amène une autre expérience.
On sait aujourd’hui que Créatures est un énorme succès. Quand vous êtes-vous rendus compte que le spectacle allait marcher ?
On croyait tous très fort à ce projet dès le départ. On a fait des showcases pendant un an. On a ensuite travaillé, pendant trois mois, avec la metteur en scène Agnès Boury. C’est là que les personnages se sont vraiment dessinés et qu’on a créé les rapports entre eux. Mais c’était aussi une période de doutes. Le spectacle devenait une sorte de pâte à modeler. On ne savait plus trop ce que ça aller donner. La vision qu’on avait chacun devait se fondre dans celle d’Agnès. Les répétitions se passaient très bien mais j’avoue que je ne savais pas toujours où on allait. Le soir de la première, je me suis dit, à l’intérieur, « ça fonctionne ». On a fini de trouver le sens du spectacle pendant les quatre premières représentations, parce qu’on avait besoin des réactions du public pour mieux gérer le rythme, le rire ou l’émotion. A partir de là, on a su tout de suite qu’on ne s’était pas planté. Le reste de l’histoire, ce n’est que du bonheur. On espérait que ça allait plaire mais on ne pensait pas que ça marcherait à ce point là. Maintenant, il y a le Théâtre de la Renaissance. C’est formidable tout ça ! Longue vie à Créatures !