Révélation pendant les représentations de Piaf, je taime
Depuis très longtemps, Christian Schittenhelm s’était dit « si j’écris un jour un ouvrage chanté, une comédie musicale ou un opéra, le sujet sera sûrement l’odyssée de Léonard de Vinci, ce personnage tellement extraordinaire, universel, et qui est pour moi le symbole de l’intelligence ». C’est pendant qu’il jouait dans la comédie musicale Piaf, je t’aime qu’il a le déclic, des amis l’incitent à se lancer. Il se met aussitôt au travail. « J’ai lu quatre biographies sur Vinci et j’ai relevé les moments les plus intéressants qui pouvaient être mis en scène ». Mais il tient à préciser qu’il a éliminé « tout ce qui était discutable sur le plan historique ». Il écrit alors toutes les scènes du spectacle puis les textes des chansons avant de les mettre en musique, le tout en deux mois. « Je dois avouer que je n’ai jamais écrit aussi facilement, tout me venait très rapidement, et même, déjà, des idées de mise en scène ». En revanche, l’orchestration de toute la partition lui a demandé un an de travail.
Il en présente alors le livret et la partition à Marcel Landowski, qui l’avait déjà encouragé dans la composition de Khaos et Rhapsodie Khronos et dont il loue la générosité d’esprit et de coeur. Grâce à lui, il rencontre le président du Grand Louvre qui, après avoir écouté la maquette du double album du spectacle et lu le livret, sélectionne Da Vinci parmi les trois événements pour l’an 2000 à soumettre au Ministère de la Culture. « On devait faire cinq représentations dans la Cour du Louvre devant l’Arc de Triomphe du Carrousel avec la participation de l’Orchestre Colonne ! Malheureusement, cela n’a finalement pas été retenu par le Ministère, officiellement pour des raisons de sécurité ».
La popularité de Mona Lisa au Pays du soleil levant
« J’avais pourtant trouvé le financement », nous dit Christian Schittenhelm. Et d’expliquer qu’il a alors eu l’idée de se tourner vers l’Ambassade et la Maison du Japon à Paris car « je savais que les Japonais avaient financé la restauration de ‘La Joconde’ « . Bonne idée, puisque voyant qu’il avait déjà le soutien du président du Louvre, on le met en contact avec des mécènes locaux. Parmi eux, il en trouve un qui est prêt à financer le spectacle. « Ca lui a vraiment plu car il a investi beaucoup d’argent ! ». Suffisamment en effet pour produire Da Vinci au Casino de Paris pendant deux mois.
D’autres rencontres ont permis à ce spectacle de prendre forme, « des rencontres émotionnelles », confie Christian Schittenhelm, « c’était très magique ». Il rencontre entre autres Alain Paroutaud, spécialiste des effets spéciaux au cinéma et chef décorateur sur les films de Luc Besson. « Il avait très envie de travailler pour un spectacle vivant mais le travail est très différent. Par exemple, au cinéma, quand un décor doit exploser, il n’explose qu’une fois alors que sur Da Vinci, l’un des décors devra exploser tous les soirs et être réutilisable le lendemain ! ». Il y aura bien d’autres effets spéciaux ainsi que la projection d’images 3D sur écrans géants. « Utiliser les technologies modernes pour évoquer le visionnaire qu’était Vinci, ça paraît une évidence ». Et de préciser que « sur scène, ce qui m’intéresse, c’est de faire une production ‘cinématographique’ vivante, un travail entre le réel et le virtuel »..
En ce sens, la musique de Da Vinci « se rapproche plutôt d’une bande originale de film » avec des couleurs et des rythmes différents. Mais surtout, et cela lui tient particulièrement à coeur, « la globalité du spectacle c’est quand même deux heures de musique symphonique » avec parfois l’intervention d’une batterie et d’une basse pour la rythmique. Et parce qu’il était difficile techniquement et financièrement d’avoir un orchestre symphonique au Casino de Paris, le spectacle se jouera sur bande instrumentale. « Mais », réplique Christian Schittenhelm, « toutes les voix seront live, y compris les choeurs, c’est la moindre des choses ».
Un casting en grande partie québécois
Une grande partie de la troupe est canadienne, en particulier les deux artistes principaux, Marco Valériani et Léa La Liberté. Selon Christian Schittenhelm, ce choix se justifie d’abord dans la perspective d’une tournée internationale, aux Etats-Unis dans un premier temps : « il fallait qu’ils soient parfaitement bilingues ». Le double album en anglais a d’ailleurs déjà été enregistré. D’autre part, il voulait aussi des artistes qui sachent tout faire : jouer, chanter, danser. « En France, il n’y a pas de culture de comédie musicale, d’écoles formant véritablement des artistes pluridisciplinaires. Ca commence un peu à bouger mais ça va se faire sur cinq ou dix ans, pas avant ».
Quand on lui parle des autres musicals français annoncés dans les mois à venir, Christian Schittenhelm tient à se démarquer. « Ma démarche est complètement différente, je n’ai pas attendu le succès de Notre Dame de Paris pour écrire Da Vinci ! Et Notre Dame n’est pas vraiment une comédie musicale, c’est un show de chansons, ça ne joue pas assez la comédie et il n’y a pas de dramaturgie ». Il craint qu’il en soit de même pour les trois autres comédies musicales qui arrivent. « On va retomber dans un stéréotype, une affaire qui marche et tout le monde se cale sur le même format ». Tant pis alors si Da Vinci se retrouve hors normes. « La presse fait de nous les outsiders. Je ne sais pas si nous sommes des outsiders mais en tout cas, Da Vinci est une vraie comédie musicale, ça c’est sûr ! ».