Chita Rivera: The Dancer’s Life — Chita Chita Chic, Ay ! Ay ! Ay !

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Chita Rivera ©DR

Pour ceux qui ne la con­nais­sent pas, Chi­ta Rivera est l’une des légen­des de Broad­way dont la car­rière et le pal­marès sont impres­sion­nants. Elle créa les rôles d’Ani­ta dans la troupe orig­i­nale de West Side Sto­ry (1957) et de Vel­ma dans celle de Chica­go aux côtés de Gwen Ver­don (1975). Elle fut la parte­naire de Dick van Dyke dans Bye Bye Birdie (1961) et la mère de Liza Minel­li dans The Rink (1984). Sa car­rière est récom­pen­sée par deux Tony Awards (The Rink, Kiss of the Spi­der Woman) et six nom­i­na­tions ! Enfin, en 2002, elle obtient le Kennedy Cen­ter Hon­ors, équiv­a­lent améri­cain de la Légion d’hon­neur. Dans son nou­veau spec­ta­cle, après un hom­mage sax­o­phonique à son père qu’elle a per­du très jeune, mais dont on sent qu’il sus­ci­ta son goût pour la musique et la danse, c’est sur cet événe­ment majeur, la ren­con­tre avec le prési­dent Clin­ton, que Chi­ta entre en scène.

Dans sa robe de soirée rouge, elle racon­te ce qu’elle ressent en cet instant. Elle est fière de ce qu’elle a réal­isé en cinquante ans de car­rière. Por­tor­i­caine d’o­rig­ine, Dolores Con­chi­ta Figueroa del Rivero (de son vrai nom) représente aus­si le rêve améri­cain de l’as­cen­sion sociale. Avec un faux air et la voix de Jeanne More­au, elle se con­fie à son pub­lic, par­fois assise sur une sim­ple chaise, un verre d’eau à la main. Énumérant méthodique­ment ses ren­con­tres avec les plus grands, on pour­rait croire qu’elle se place elle-même au pan­théon de Broad­way, sans fausse mod­estie. C’est un peu le jeu de tous les artistes de se val­oris­er par asso­ci­a­tion avec des tal­ents recon­nus, mais grâce à son humour et à sa voix vibrante qui reflète une émo­tion sincère face aux sou­venirs, Chi­ta reste attachante et sympathique.

La pre­mière par­tie du spec­ta­cle relate la décou­verte de la danse puis du musi­cal et la quête du pre­mier « cross-over » (numéro effec­tué par un mem­bre de la troupe pen­dant un change­ment de décor) puis du « star­dom », l’ac­cès au statut de star. Avec beau­coup d’au­todéri­sion, Chi­ta évoque les galères, les rôles incon­grus, comme dans Sev­enth Heav­en où elle chante « Camille, Col­lette, Fifi » pour sa pre­mière appari­tion sur Broad­way. Ce ne fut pas un hit, comme on s’en doute !

Arrive le moment, tant atten­du, où elle racon­te une cer­taine audi­tion avec Leonard Bern­stein, pour son nou­veau spec­ta­cle, West Side Sto­ry. La salle s’éteint ; Chi­ta est comme cinquante ans en arrière, inex­péri­men­tée et timide. Par deux fois, elle tente de chanter, mais sans pas­sion, et elle n’est pas crédi­ble… Bern­stein lui con­seille d’être elle-même, por­tor­i­caine, hargneuse et gitane. La troisième est la bonne : « A Boy Like That » résonne dans le théâtre, nos cœurs bat­tent, la chair de poule nous prend.

Mal­heureuse­ment, le reste du spec­ta­cle est moins pas­sion­nant, moins dra­ma­tique. Il donne le sen­ti­ment que la plus grande chance de Chi­ta fut, décidé­ment, West Side Sto­ry, bien qu’elle ne fît là que débuter une car­rière épous­tou­flante. De façon amu­sante, Chi­ta dis­ait dans une récente inter­view télévisée qu’elle ne regret­tait pas d’avoir man­qué la ver­sion filmée de West Side Sto­ry (en 1961, c’est Rita Moreno qui lui rafle le rôle d’Ani­ta), car sinon, rien d’autre ne lui serait peut-être arrivé. Elle digér­era cet échec en inter­pré­tant Nick­ie dans le film Sweet Char­i­ty de 1969, aux côtés de Shirley MacLaine. D’ailleurs, une scène sur les toits de New York, « The Host­ess Room », sem­ble tout droit sor­tie de West Side Sto­ry !

Chi­ta rend ensuite hom­mage aux hommes qu’elle a aimés : « Tony, Tom, Joe, Greg… et les autres… vous saurez vous recon­naître ! » Aux choré­graphes qui ont façon­né ses plus grands suc­cès : Jack Cole, Peter Gen­naro, Bob Fos­se et Jerome Rob­bins. À ses parte­naires de scène qu’elle a « presque tous » appré­ciés : Liza Minel­li, Gwen Ver­don… et Dick van Dyke qui l’a d’ailleurs rejointe sur scène la semaine dernière pour célébr­er Bye Bye Birdie. Enfin, à John Kan­der and Fred Ebb (1935–2004) qui lui ont offert trois de ses meilleurs rôles : Chica­go (1975), The Rink (1984) et Kiss of the Spi­der Woman (1993). Ses hom­mages sont certes chaleureux et sincères, mais ils restent très abstraits pour un non-ini­tié aux clas­siques du musi­cal. Quant aux extraits chan­tés et dan­sés de Chica­go et de Sweet Char­i­ty, ils sont loin d’être au niveau des spec­ta­cles inté­graux sur Broad­way : on y a vu récem­ment des Char­i­ty et des Vel­ma plus pim­pantes et à la voix plus harmonieuse…

À recom­man­der aux spé­cial­istes et aux anglo­phones unique­ment, Chi­ta Rivera: A Dancer’s Life est plus un témoignage his­torique… qu’un spec­ta­cle qui restera dans l’histoire !

Chi­ta Rivera: The Dancer’s Life se joue depuis le 11 décem­bre 2005 au Ger­ald Schoen­feld The­atre à New York.

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* Peter Allen (1944–1992), com­pos­i­teur aus­tralien, auteur de quelques hits plané­taires comme « Arthur’s Theme: Best That You Can Do » (inter­prété par Christo­pher Cross en 1981), repéré par Judy Gar­land, mar­ié à sa fille Liza Minel­li pen­dant quelques années, puis ouverte­ment gay.