
Lorsqu’on lui demande quelles sont ses sources d’inspiration pour Chicago, Rob Marshall répond immédiatement et sans détour « Bob Fosse. C’est un héros pour moi. Depuis l’adolescence j’ai vu et littéralement adoré son travail. Mon grand souci était de ne pas le trahir. Je pense que l’idée principale du film, en l’occurrence que les numéros musicaux soient dans la tête de Roxie créant ainsi deux réalités, lui aurait plu. Je me suis plus qu’inspiré de son travail en réinventant les chorégraphies. Le Cell Block Tango, où les tueuses dansent avec leurs victimes, est tout à fait dans son état d’esprit ».
Concernant les références aux comédies musicales, les avis divergent selon les comédiens. Pour Richard Gere, tout Américain possède cette culture : « la comédie musicale fait partie intégrante de notre ADN ! Cette connaissance innée de cette forme d’expression nous permet de nous glisser avec une grande facilité dans ce type de projet — ce qui ne veut pas dire que les choses sont simples : réussir une comédie musicale exige un immense travail. En outre, pour ce film, j’ai bénéficié de ma bonne connaissance des années 20. Cela m’a permis de travailler la veine ludique de mon personnage ». Pour John C. Reilly, qui interprète le difficile rôle d’Amos/Cellophane : « Rob n’utilisait pas de référence dans sa direction d’acteur. Toutefois il est évident que le show a influencé le film. Concernant mon personnage, il a été joué sur scène par des acteurs magnifiques comme Joel Grey. Impossible d’en faire abstraction ». Renee Zellweger a une toute autre approche : « pour moi tout était complètement nouveau. Je ne connaissais que des comédies musicales comme Le magicien d’Oz ou La mélodie du bonheur que nous regardions chaque Noël en famille. Je n’avais aucune idée de ce qu’était Chicago, j’ai même refusé de voir le show et j’ai eu raison : j’aurais eu beaucoup trop peur de me lancer dans cette aventure ! La seule concession que j’aie faite, c’est d’écouter en boucle le titre « All That Jazz » : il m’a terriblement dynamisée ».
Le film est nommé 13 fois aux Oscars. Toutefois Richard Gere ne figure pas dans la liste. Philosophe, il admet « ce film est une affaire familiale. Nommer une personne, c’est les nommer toutes. Par ailleurs, le film a déjà remporté beaucoup de récompenses, et ce n’est pas près de s’arrêter : les Oscars ne sont pas une fin en soi ». Rob Marshall excuse Catherine Zeta Jones, qui se repose en Espagne. « Elle attend son second enfant. Sur le tournage, chacun avait un défi à relever : pour moi c’était ma première réalisation pour le cinéma, pour Catherine il lui fallait retrouver son passé de danseuse et chanteuse… Pendant les six semaines de répétition, les acteurs venaient sur le plateau pour voir les numéros des autres. Du coup, cela a créé une véritable solidarité. J’ai eu beaucoup de chance de travailler dans ces conditions ».
Le film dénonce les médias avec brio. Rob Marshall note que « cet aspect est inhérent à la pièce originale. J’aime le fait que le film se moque de cette profession, c’est comme une mise en abîme. Célébrer les criminels, c’est intemporel ! ». Renee d’ajouter « la distanciation ajoute de la force au message ». Le public de 1926 qui a pu assister à la création de la pièce originale ne possédait évidemment pas le recul du public actuel. « Le cynisme de la pièce vu aujourd’hui procure une nouvelle perspective », explique Rob Marshall. Richard Gere ajoute que « réussir une oeuvre intemporelle est particulièrement difficile. En parlant de difficulté, lors de la toute première discussion pour le film — c’était d’ailleurs dans un restaurant français — je me suis dit que le chant ne me poserait pas trop de problème contrairement aux claquettes. En effet nous avons filmé ce numéro à la toute fin du tournage de manière à ce que j’aie trois bons mois pour m’entraîner. J’avais en outre une professeur totalement tyrannique ! ».
Lorsqu’on lui parle de la vague de projets d’adaptation de succès de Broadway à Hollywood, grâce au succès au box-office de Chicago, Rob Marshall précise : « je n’ai pas dans le désir de réaliser tout de suite un nouveau film musical. Cela représente plus de deux ans et demi de ma vie et mérite donc réflexion. Par ailleurs, j’aimerais éviter que l’on me colle une étiquette. Toutefois, je suis tellement amoureux des oeuvres de Stephen Sondheim que je me verrais bien adapter pour le cinéma Sweeney Todd, Follies ou Into the Woods. Les oeuvres de départ sont tellement riches, foisonnantes que ce serait pain béni. Mais j’aimerais tout d’abord affronter un nouveau défi : un film qui se contente de parler, sans chanter, ni danser ! ».