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Chicago : de la scène à l’écran — Broadway, Hollywood, and all that jazz !

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Gwen Verdon et Chita Rivera dans la production originale de Chicago  à Broadway ©DR
Gwen Ver­don et Chi­ta Rivera dans la pro­duc­tion orig­i­nale de Chica­go à Broad­way ©DR
Des débuts éclip­sés par A Cho­rus Line 
Chica­go suit le par­cours chao­tique d’une meur­trière vers la célébrité et le suc­cès. Ecrite en 1975 par Kan­der et Ebb, cette comédie musi­cale acerbe et cor­ro­sive, s’a­muse de la déca­dence médi­a­tique pro­pre à l’Amérique. Servi par deux grandes légen­des de Broad­way (Gwen Ver­don et Chi­ta Rivera), Chica­go reçoit pour­tant des cri­tiques mit­igées, jugeant le show « too much » et sans doute trop cynique. Si le spec­ta­cle tient tout de même 898 représen­ta­tions, il est surtout éclip­sé la même année par A Cho­rus Line (qui tien­dra 6 137 représen­ta­tions !) qui rafle tous les Tony Awards de cette saison.

Une reprise triomphale 
En 1996, le City Cen­ter qui organ­ise des ver­sions con­certs de comédies musi­cales « rares » ou « oubliées » décide de pro­duire Chica­go avec un cast­ing de rêve : Bebe Neuwirth, Joel Grey (Cabaret), James Naughton et surtout Ann Reink­ing qui recrée à l’oc­ca­sion des choré­gra­phies dans le style de Bob Fos­se. Qua­tre représen­ta­tions se don­nent à guichets fer­més. La presse est unanime et le pub­lic redé­cou­vre l’in­croy­able moder­nité de Chica­go — peut-être trop en avance sur son temps lors de sa créa­tion — et sa satire mor­dante des médias et des pathé­tiques lim­ites du rêve améri­cain. La pro­duc­tion ? avec une mise en scène com­plète — est alors trans­férée quelques mois plus tard dans un théâtre de Broad­way et dépasse allé­gre­ment le nom­bre de représen­ta­tions de l’o­rig­i­nal. C’est un tri­om­phe absolu que Bob Fos­se aurait été heureux de voir, lui qui sem­ble avoir tou­jours souf­fert de l’écras­ant suc­cès de A Cho­rus Line.

En 1997, Chica­go est égale­ment mon­té à Lon­dres avec Ute Lem­per et Ruthie Henshall.

Les stars se succèdent 
Avec le suc­cès de la nou­velle ver­sion, les stars vont se suc­céder dans les dif­férentes pro­duc­tions de Chica­go à Broad­way et à Londres.
A Broad­way, Michael C. Hall (Six feet Under), Taye Dig­gs (Rent, Ally Mc Beal et main­tenant Chica­go, le film, dans le rôle du chef d’orchestre), Bil­ly Zane (Titan­ic), Kevin Richard­son (des Back­street Boys) se suc­cè­dent dans le rôle de Bil­ly Fly­nn. Jen­nifer Hol­l­i­day (Dream­girls, Ally McBeal) inter­prète pen­dant un temps le rôle de Mama Morton.

A Lon­dres, on peut voir notam­ment Sacha Dis­tel et Mar­ti Pel­low (du groupe Wet Wet Wet) dans le rôle de Bil­ly Fly­nn. Ali­son Moyet (du groupe Yazoo) a joué le rôle de Mama Mor­ton et on ne compte plus les stars de séries bri­tan­niques qui ont fait un pas­sage dans cette comédie musi­cale. Chi­ta Rivera (du cast orig­i­nal) fait un tour dans la pro­duc­tion de Lon­dres, Toron­to et Las Vegas, mais cette fois dans le rôle de Roxie.

A not­er aus­si que lors de la pro­duc­tion orig­i­nale, Gwen Ver­don (Rox­ie) a notam­ment été rem­placée par Liza Min­nel­li et Ann Reinking.

Mais tout au départ… 
… un fait divers, qui inspire une pièce de Mau­reen Dal­las Atkins, alors chroniqueuse au Chica­go Tri­bune. Créée en 1926, elle devient dès 1927 un film. Un remake de 1942 met en vedette Adolph Men­jou et Gin­ger Rogers, très remar­quée paraît-il pour son mâchage de chew­ing gum… Il ne s’ag­it pas d’une comédie musi­cale, même si made­moi­selle Rogers danse à deux repris­es dans ce qui est déjà une satire du monde des médias. Cette his­toire, reprise donc trente ans après pour Broad­way, tient la route, et c’est encore le cas aujourd’hui.

Le relatif échec au box-office de la pre­mière ver­sion de l’oeu­vre à Broad­way fut dif­fi­cile à sup­port­er pour Bob Fos­se. Génial cinéaste, il eut assez vite l’en­vie de porter à l’écran cette comédie musi­cale. Il n’y parvien­dra jamais, même si la légende veut qu’en 87, il envis­ageait de tra­vailler avec Madon­na. Il avait calé sa pre­mière réu­nion de pro­duc­tion, mais est mort peu de temps avant. Il faut atten­dre presque dix ans pour que la firme Mira­max décide d’ini­ti­er de nou­veau un film. Plusieurs réal­isa­teurs sont pressen­tis, comme Nicholas Hyt­ner, ain­si qu’une pléi­ade de vedettes. Il faut dire que les deux rôles féminins sont en or mas­sif, donc par­ti­c­ulière­ment con­voités. Imag­i­nons donc Goldie Hawn, Michelle Pfeif­fer (qui se sont toutes deux frot­tées à la comédie musi­cale avec respec­tive­ment Every­one says I love you et… Grease 2 !), Gwyneth Pal­trow, Helen Hunt, Winona Ryder se dis­putant les pre­miers rôles, John Tra­vol­ta en Bil­ly, Bette Mid­dler ou Rosie O’Don­nell en Mama Mor­ton… Dom­mage que le ciné­ma, à l’in­star de la scène, ne per­me­tte pas de voir se suc­céder les stars dans un même rôle !

Rob Mar­shall, con­nu à Broad­way pour ses choré­gra­phies, béné­fi­cie de la con­fi­ance des pro­duc­teurs grâce au suc­cès rem­porté par son adap­ta­tion télé de Annie. Il avoue s’être inspiré de films comme Pen­nies from Heav­en (avec Bernadette Peeters), ain­si que de La Rose Pour­pre du Caire de Woody Allen pour com­pos­er l’at­mo­sphère de son film. Pour­tant, c’est bien dans une optique d’in­no­va­tion qu’il conçoit la mise en scène de Chica­go. Baz Luhrman (Moulin Rouge) sem­ble avoir ouvert une voie, Rob Mar­shall en choisi une autre : celle qui mêle le musi­cal « old fash­ioned » à un mon­tage cut, comme l’avait fait Bob Fos­se, autre choré­graphe, avant lui. La danse est effec­tive­ment mise très en avant, et la mise en scène ne frus­tre pas le spectateur.

Ver­sion scénique ver­sus ver­sion cinématographique… 
On s’empoigne allè­gre­ment sur les forums de dis­cus­sion pour savoir si le film est plus intéres­sant que la ver­sion de Broad­way ou vice-ver­sa. Débat inutile : chaque nou­velle vision d’une oeu­vre apporte son lot de décou­vertes et déçoit for­cé­ment les « puristes », mar­qués par le ressen­ti qu’ils ont de l’oeu­vre. Bien enten­du, il n’é­tait pas pos­si­ble de con­serv­er toute la théâ­tral­ité de la reprise de 1996. Rap­pelons que le spec­ta­cle est remar­quable dans son dépouille­ment même : pas de grands change­ments de cos­tumes ni de décors, l’orchestre sur scène comme par­tie inté­grante de l’ac­tion. Sur les planch­es, Chica­go rend hom­mage au vaude­ville, for­mat bien par­ti­c­uli­er de théâtre musi­cal, impos­si­ble à adapter facile­ment au ciné­ma. Le spec­ta­cle est un dia­mant noir : le film (sans tomber dans le clin­quant) ne peut avoir une ori­en­ta­tion aus­si radicale.

La grande idée du film est de jus­ti­fi­er toutes les chan­sons : soit elles se déroulent sur la scène d’un théâtre (« All That Jazz »), soit sur… une scène imag­i­naire qui se trou­ve dans la tête de Rox­ie. Comme cette jeune per­son­ne rêve de devenir vedette en mon­tant sur les planch­es, cette idée sim­ple marche par­faite­ment bien. Toute­fois, elle implique la dis­pari­tion de plusieurs titres de Broad­way. N’at­ten­dez donc pas à enten­dre : « A Lit­tle Bit of Good », chan­tée sur scène par Mary Sun­shine, rôle inter­prété par un homme au théâtre, mais par l’ac­trice Chris­tine Baran­s­ki dans le film. « My Own Best Friend », chan­son par­ti­c­ulière­ment réussie entre Rox­ie et Vel­ma, qui nous ras­sure sur l’é­tat de leur ego et de leur déter­mi­na­tion. « I Know a Girl » : Vel­ma est agacée par la « grossesse » de Rox­ie et le fait savoir. « Me and My Baby », chan­té par Rox­ie, où com­ment être enceinte et glam­our. « When Vel­ma Takes the Stand » : Vel­ma explique en musique ce qu’elle compte faire au procès. « Class » : Vel­ma et Mama Mor­ton, durant le procès de Rox­ie, sont absol­u­ment dégoûtées par la manière dont va le monde… Cette chan­son fig­ure néan­moins sur le CD du film. Le titre a même été tourné et fig­ur­era sur le DVD. Enfin, pour chipot­er, la chan­son « When You’re Good to Mama » arrive avant « Cell Block Tan­go », ordre con­traire à Broad­way. Même si tout un cha­cun peut regret­ter la dis­pari­tion de tel ou tel titre, force est de con­stater que l’équili­bre entre la dra­maturgie, le nom­bre des morceaux musi­caux est par­faite­ment tenu de bout en bout.

Le film rend un hom­mage chaleureux à Bob Fos­se. Non seule­ment il lui est dédié (ain­si qu’à Gwen Ver­don, mais il faut atten­dre le générique de fin pour le savoir), mais il s’in­spire de son génie dans la mise en scène au cordeau, au mon­tage très découpé. Le début du film évoque ain­si Cabaret dans la manière dont, avec une économie de plan prodigieuse, le réal­isa­teur nous fait pénétr­er dans l’u­nivers du night-club et de sa faune. Si le film pro­pose une nou­velle choré­gra­phie, moins sexy que celle du maître, le ton du film reste très proche de celui du show de Broadway.

Où voir Chica­go sur scène, aujourd’hui ? 
Le suc­cès du film peut don­ner envie de (re)découvrir sur scène l’oeu­vre de Kan­der et Ebb, avec en sus la sen­su­al­ité des choré­gra­phies de Fos­se, et l’én­ergie unique que peut offrir un spec­ta­cle vivant. Bien évidem­ment, les deux cap­i­tales de la comédie musi­cale que sont New York et Lon­dres pro­posent la ver­sion scénique du hit de Kan­der et Ebb, et ce respec­tive­ment depuis le 16 novem­bre 1996 et le 28 octo­bre 1997.

Actuelle­ment, Chica­go se joue à l’Am­bas­sador (à New York) où il vient de trans­fér­er après plus de six ans aux Shu­bert. Kevin Richard­son (des Back­street Boys) joue le rôle de Bil­ly Fly­nn aux côtés de Car­o­line O’Con­nor (la fameuse danseuse du Tan­go de Rox­anne dans Moulin Rouge) dans le rôle de Vel­ma Kelly.

A Lon­dres, Chica­go con­tin­ue à tenir l’af­fiche de l’Adel­phi avec Michael Gre­co (star de la série bri­tan­nique Eas­t­en­ders) dans le rôle de Bil­ly Fly­nn et Linzy Hate­ley (Les Mis­érables) dans le rôle de Rox­ie Hart.