C’est peu de dire que la production française de Chicago est impatiemment attendue par les amoureux du théâtre musical. Si à sa création en 1975, la comédie musicale de Kander et Ebb mise et scène et chorégraphiée par Bob Fosse fut éclipsée par l’implacable A Chorus Line, depuis, Chicago a largement pris sa revanche. Repris en 1996 à Broadway, le spectacle s’y joue toujours et profite même du succès de l’adaptation cinématographique.
Aujourd’hui, c’est Paris qui s’apprête à accueillir ce spectacle sexy et féroce, servi par une brillante partition et immortalisé par la légendaire chorégraphie du grand Bob. Chicago a enflammé Montréal l’an dernier, notre capitale succombera-t-elle aux charmes de Roxie et ses consoeurs, dans la langue de Molière ?
Le 6 février, Marc Poulain, un des producteurs canadiens du spectacle, accueille la presse française au Casino de Paris, pour une conférence moins cynique que le « Press Conference Rag » de Billy Flynn, mais non moins excitante. Avant d’entrer dans la salle, les journalistes passent par les coulisses puis sur la scène où la troupe répète sous la direction du metteur en scène, Scott Faris et du chorégraphe, Gary Chryst, recréant le travail de Walter Bobbie et Ann Reinking. Vue imprenable sur la plastique très « Fossienne » des danseurs.
Pour commencer, Marc Poulain donne la parole à Barry Weissler, producteur du spectacle à Broadway, qui entame un discours enthousiaste. « Les deux moments les plus excitants de ma vie furent l’ouverture de Chicago à Broadway et le jour où j’ai appris que le spectacle allait se monter en France ! Nous sommes très excités à l’idée de jouer dans ce lieu superbe, dans cette ville où la tradition théâtrale est si forte. Je suis vraiment heureux que des Français soient venus voir le spectacle à New York et m’aient convaincu de l’amener à Paris. De toute façon, les Français sont de grands séducteurs… »
Moins exalté et plus pragmatique, Scott Faris, le metteur en scène, se déclare « très nerveux ». « Nous travaillons dur pour vous proposer un spectacle de la qualité de celui de Broadway et Londres, ajoute-t-il. Normalement, nous n’autorisons personne à assister aux répétitions mais la production nous a tellement suppliés que nous avons donné notre accord ».
Le feu vert est donc donné et le premier numéro présenté est « All That Jazz » (« C’est ça, le jazz »), interprété par Terra Ciccotosto et la troupe. Avec son timbre légèrement métallique et sa silhouette sculpturale, la Velma de Paris semble s’inscrire parfaitement dans la lignée de Ute Lemper ou Bebe Neuwirth.
Après ce numéro d’ouverture, Laurent Ruquier, adaptateur du spectacle, explique que « Chicago ne ressemble pas aux comédies musicales dont on a l’habitude en France. Ici, il y a du sexe, de la corruption et même de la pression sur la justice… chose dont on n’entend rarement parler ici ! »
Marc Poulain présente ensuite Rob Fisher, responsable des arrangements vocaux, et John Gilbert, le directeur musical, expliquant que celui-ci en dehors du fait de diriger 14 musiciens, fait également partie intégrante du show. Ceux qui ont vu Chicago à Londres comprendront. Les performances du directeur musical d’alors, Gareth Valentine, étaient déjà un spectacle en soi.
Trois autres extraits sont ensuite présentés : « Roxie » par Veronic DiCaire, « All I Care About Is Love » (« Je ne pense qu’à l’amour ») par Stéphane Rousseau, entouré des girls, et enfin un extrait de « My Own Best Friend » (« Ma meilleure amie, c’est moi »), la célèbre conclusion du premier acte de Chicago, qui vient clore cette conférence de presse.
C’est court, c’est un peu frustrant, mais n’est-ce pas le but ? En attendant, le verdict de la presse et du public, la troupe continue son rythme de répétitions intenses. Quant aux producteurs canadiens, ils montent cette année la première version francophone de Rent, à Montréal. On ne peut alors qu’espérer que Chicago triomphe à Paris, que Rent et beaucoup d’autres suivent sa trace. Si la France peine à nous présenter du vrai théâtre musical adulte, l’espoir nous viendra peut-être alors du Canada.