Cher menteur (Critique)

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d’après la cor­re­spon­dance de Béa­trice Stel­la Camp­bell et Bernard Shaw
Adap­ta­tion Jérome Kilty — Tra­duc­tion Jean Cocteau
Mise en scène Régis Santon
Cos­tumes Cather­ine Gorne Achdjian
Lumières Lau­rent Beal

Elle,  une actrice célèbre, Béa­trice Stel­la Camp­bell, dotée d’une plume acidulée. Lui, Bernard Shaw, grand dra­maturge adulé par le  » tout Londres « .
Entre eux une cor­re­spon­dance de plus de 40 ans dev­enue, grâce à Jean Cocteau, un véri­ta­ble objet théâtral.

Mar­cel Maréchal et Francine Bergé don­nent vie avec élé­gance et déri­sion à ces échanges mêlant intrigues per­son­nelles et humour british ».

Notre avis : Servi par deux comé­di­ens élé­gants, cet échange épis­to­laire entre le cri­tique de théâtre acerbe, futur grand dra­maturge bri­tan­nique et cette vedette de la scène mutine, traduit avec verve par Jean Cocteau, pro­cure une douce sen­sa­tion de plaisir. Le texte, raf­finé, plein d’e­sprit, se savoure, grâce au jeu de Francine Bergé, toute en espiè­g­lerie british et à Mar­cel Maréchal, mali­cieux en dra­maturge manip­u­la­teur. Rap­pelons que le rôle d’Elisa Doolit­tle, de Pyg­malion — qui devien­dra quelques décen­nies plus tard My fair lady — a été créé par cette actrice (alors âgée de 49 ans !). Le spec­ta­cle narre la douloureuse nais­sance de cette pièce, retardée par un acci­dent de taxi de la comé­di­enne et finale­ment un suc­cès qui ne put s’é­panouir immé­di­ate­ment en rai­son de la pre­mière guerre mon­di­ale, qui monop­o­lise l’at­ten­tion du monde.Leur rela­tion d’amour/amitié s’é­tale sur plusieurs décen­nies. Shaw, sou­vent tim­o­ré à cause de Char­lotte, sa femme et soucieux de son image publique, s’emploiera à raviv­er la flamme de cette pas­sion pla­tonique, même lorsqu’il sera mis dehors par la diva, en instance de mariage. Le temps qui passe est ren­du par des atmo­sphères lumineuses var­iées, et les tirades qui se font, par­fois, plus ten­dres, voire douloureuses lorsque Mrs Camp­bell, à la fin de sa vie, aura raté nom­bre de rôles en rai­son d’un car­ac­tère bien trem­pé et… d’un péki­nois qu’elle refuse de laiss­er en quar­an­taine lors de ses voy­ages. Adulée en Angleterre, célèbre en Amérique, l’ac­trice ter­min­era ses jours en France, oubliée de tous. Mais pas de Bernard Shaw qui, mal­gré les brouilles, restera fidèle à son amie de coeur toute sa vie. Raf­finé et dis­tin­gué, à découvrir.