Charles Talar — Un producteur qui a ouvert la voie

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Charles Talar ©DR
Charles Talar ©DR
Vous êtes au départ un pro­duc­teur de dis­ques et, depuis quelques années, un pro­duc­teur de comédies musi­cales. Faites-vous une dif­féren­ci­a­tion entre ces deux activités ? 
Non, pas du tout, c’est un tout. Tout disque est appelé à avoir une vie de spec­ta­cle, que ce soit pour un chanteur ou pour une comédie musi­cale. Si on pro­duit un disque, c’est en espérant qu’il soit mon­té sur scène. Et la base, c’est de com­mencer par un disque.

Aupar­a­vant, est-ce que vous aimiez la comédie musi­cale en tant que spectateur ?
Il n’y en a pas beau­coup en France, il faut déjà aller à l’é­tranger pour en voir. C’est assez intéres­sant de voir le tra­vail que font les autres pays. Lon­dres est une terre d’asile for­mi­da­ble pour les comédies musi­cales, mais ce que nous faisons en France n’a rien à voir avec ce que font les anglo-sax­ons qui restent dans le domaine de la comédie musi­cale tra­di­tion­nelle. Moi, ce que j’es­saye de faire pass­er comme mes­sage, c’est que nous faisons du « spec­ta­cle musi­cal ». Tout est chan­té et dan­sé, il n’y a pas de dia­logue, il n’y a pas de temps mort. Je pense que les gens ont plus envie de voir de bons chanteurs que des comé­di­ens. A par­tir de là, c’est ce que nous avons fait dans Notre Dame et c’est ce que nous allons faire dans Cindy. Si toute­fois les artistes cumu­lent ces deux qual­ités, c’est un plus.

Selon vous, cette con­cep­tion des choses est-elle un mod­èle typ­ique­ment français ? 
Oui, il n’y a rien de com­pa­ra­ble à l’é­tranger. Toutes les comédies musi­cales qui vien­nent des Etats-Unis n’ont jamais marché ici parce que c’est un mod­èle qui n’est pas appré­cié en France.

Et vous pensez que c’est un mod­èle qui s’ex­porte facilement ? 
Nous avons eu le bon­heur de jouer à Lon­dres devant 600.000 spec­ta­teurs, ce qui n’est pas nég­lige­able. Nous n’avons pas gag­né d’ar­gent mais je pense que le pub­lic qui est venu a bien appré­cié. Je crois qu’on s’en­nuie moins dans nos spec­ta­cles que dans cer­taines comédies musi­cales où il y a beau­coup de temps morts. Nos spec­ta­cles sont plus « pleins ».

Pensez-vous qu’en France, un spec­ta­cle musi­cal ne peut marcher que si un disque est sor­ti avant ? 
Les gens se sont habitués à ce sys­tème de com­mu­ni­ca­tion. Le prin­ci­pal prob­lème, c’est l’en­vi­ron­nement du spec­ta­cle : si vous n’avez pas la pos­si­bil­ité de com­mu­ni­quer, vous n’avez aucune chance. C’est la com­mu­ni­ca­tion qui fait — avec la qual­ité de l’oeu­vre — son succès.

Vous mis­ez donc beau­coup sur la cam­pagne publicitaire.
C’est une oblig­a­tion. Ce n’est pas pos­si­ble à notre époque de penser que le bouche-à-oreille peut suf­fire. C’est très lourd de mon­ter un spec­ta­cle, il faut deux à trois ans, vous ne pou­vez pas atten­dre en plus que le bouche-à-oreille fonctionne.

Qu’est-ce qui vous a décidé à pro­duire Notre Dame de Paris ?
L’en­t­hou­si­asme de Luc Pla­m­on­don et la manière dont Richard Coc­ciante m’a chan­té le spec­ta­cle m’ont décidé. J’ai vu d’en­trée qu’il y avait des chan­sons qui avaient de fortes chances de faire des suc­cès. Au départ, je me suis plus posi­tion­né sur le disque que le spectacle.

C’é­tait à un moment où la comédie musi­cale n’é­tait pas à la mode en France…
C’est faux ! Il ne faut pas oubli­er que Star­ma­nia a été un succès.

N’est-ce pas une excep­tion ? >
Si une excep­tion con­tin­ue de fonc­tion­ner pen­dant longtemps, c’est que ce sont plutôt les autres pro­duc­teurs qui ne com­pren­nent rien. Moi, je pen­sais qu’après le suc­cès de Star­ma­nia, le nou­veau spec­ta­cle de Luc était pra­tique­ment sûr de marcher.

Aviez-vous l’im­pres­sion de pren­dre un risque ou pen­siez-vous que le pari était gag­né d’avance ? 
Pour moi, le risque était un peu cal­culé en fonc­tion du suc­cès de Star­ma­nia. Avant qu’on ne pro­duise un spec­ta­cle, avant que le pub­lic ne décide, on n’est jamais sûr de gag­n­er, mais je sen­tais pour Notre Dame qu’il y avait un poten­tiel, qu’il pou­vait trou­ver un écho auprès du pub­lic. C’est la même aven­ture pour Cindy. On tra­vaille, on écoute les chan­sons, on n’est pas sûrs du résul­tat tant que le disque n’est pas fini. Mais on voit aujour­d’hui pour Cindy que le pub­lic a l’air d’accrocher.

Est-ce que vous inter­venez sur le proces­sus artis­tique ou est-ce que vous avez une con­fi­ance totale en votre équipe ? 
J’in­ter­viens totale­ment à tous les niveaux. J’é­coute les maque­ttes, je vais en stu­dio, au mixage…

Au niveau du cast­ing également ? 
Bien sûr. Je pro­pose des options mais Luc a un nez pour décou­vrir les tal­ents et ça fonc­tionne très bien entre nous.

Quelles sont les fonc­tions du producteur ? 
C’est de faire en sorte qu’une idée parvi­enne à se con­cré­tis­er : en disque, sur scène ou à l’écran. C’est don­ner des moyens et unir son imag­i­na­tion à celle des créa­teurs pour que cette oeu­vre puisse exister.

Quels enseigne­ments tirez-vous du suc­cès de Notre Dame ? C’est allé au delà de ce que vous pensiez ? 
C’est le spec­ta­cle de tous les records, c’est bien au-delà de ce que nous espéri­ons les uns les autres. Per­son­ne n’a égalé ou n’é­galera avant un long moment ce qui s’est passé avec Notre Dame de Paris. On n’ar­rivera pas avant longtemps, ni moi, ni les autres, à ven­dre 8 mil­lions d’un CD ou 1,4 mil­lion de DVDs et vidéos. Les records sont appelés à être bat­tus, mais ce ne sera pas facile.

Rétro­spec­tive­ment, quel a été pour vous le plus beau sou­venir de l’aven­ture Notre Dame ?
Le 20 août 98, quand j’ai pu visu­alis­er le spec­ta­cle en répéti­tions. C’est là que j’ai vu que ça allait avoir une ampleur, que ça allait avoir du succès.

Quel regard avez-vous sur toutes les comédies musi­cales qui ont suivi le sil­lage de Notre Dame ?
Quand il y a un filon, il faut essay­er de le suiv­re. Ce sont des gens qui ont été oppor­tunistes et à juste rai­son. Ils ont essayé de voir ce qui était bien et ce qui ne l’é­tait pas sur Notre Dame et ils ont fait quelque chose de cohérent qui tient la route. Je pen­sais qu’il y en aurait un sur les trois spec­ta­cles [NDLR : Ali Baba, Les Dix Com­man­de­ments, Roméo & Juli­ette] qui allait marcher et finale­ment, il y en a eu deux et tant mieux. C’est bon signe pour l’avenir. C’est ce qui m’a per­mis de penser que je pou­vais con­tin­uer avec Cindy.

On peut dire que c’est vous qui avez ouvert la voie… 
Je pense que tout le monde le dit, je n’ai pas besoin de le dire…

Com­ment a démar­ré l’aven­ture de Cindy ?
J’ai dit à Luc qu’il serait souhaitable, sur la lancée de Notre Dame, qu’on puisse con­tin­uer à tra­vailler ensem­ble. Il a cher­ché une ou deux idées, il m’a pro­posé Cen­drillon, qu’on a rebap­tisée Cindy, en pen­sant que ce ne serait pas un spec­ta­cle pour enfants mais pour ado­les­cents et adultes, un spec­ta­cle toutes généra­tions confondues.

Est-ce que vous recevez beau­coup de pro­jets de comédies musicales ? 
Pas du tout. Les gens pensent que je suis inondé de pro­jets. Je n’en ai pas reçu un seul et les autres pro­duc­teurs doivent n’en avoir qu’une dizaine.

Vous auriez néan­moins envie de pro­duire d’autres comédies musicales ? 
Ca m’ar­rivera cer­taine­ment puisque j’ai mon­té une cel­lule de pro­duc­tion de spec­ta­cles vivants. On va se diver­si­fi­er mais pour le moment, je n’ai ni le temps ni la pos­si­bil­ité de le faire. Il y a assez de boulot sur Cindy !