
Chère Charlène, comment êtes-vous devenue artiste ?
Je me suis faite toute seule, sur le tas. Et croyez-moi, rien ne vaut le tas ! Ma mère tenait une loge de concierge rue de Clichy, entre le Casino de Paris et l’Apollo, à l’époque où ça existait encore. C’est dire si j’ai vu défiler de grandes vedettes. Quand on a fuit Paris pour Londres, en 42, j’ai représenté la France au Albert Hall devant le Général de Gaulle, habillée en Alsacienne… ce qui ne me va pas du tout car je n’en ai vraiment pas le physique. Je suis restée trois minutes sur scène qui furent mes grands débuts et une révélation pour mon métier. J’ai commencé avec « rien » pour arriver à « pas grand-chose » : de figurations en revues, parfois mannequin car en ce temps là, j’avais des seins magnifiques. J’ai pris des cours de chant et de danse avec un charmant professeur nommé Duval, que j’ai épousé. Après le divorce j’ai gardé le nom car j’avais commencé à exploser… enfin, c’était une bombinette. A l’époque, il y avait du travail pour tout monde dans le show business pour peu qu’on sache lever la jambe. Il faut dire qu’on était très mal payé. La loi du genre, c’était 200 à 300 personnes sur scène. J’étais un peu grande mais bien faite, ils ont vite compris qu’ils pouvaient faire quelque chose de moi. J’ai fait des revues, du music-hall et un peu de théâtre non chanté. Il y a eu La Vierge au vison où j’avais un rôle travesti, un commissaire de police… Joli succès mais en mai 1968 ça tombait mal : vierge et vison, c’était trop conservateur, sans parler des commissaires de police !
Vous avez donc côtoyé de grandes vedettes ?
Croisé plus que côtoyé… même si j’ai partagé la scène avec Mistinguett. En 48, elle était déjà une vieille dame mais encore une grande dame. Mais elle ne parlait pas, elle aboyait des ordres. En revanche, j’ai rencontré Liz Taylor qui m’a adressé quelques mots en coulisse… pour me demander un verre d’eau (véridique). Quand je pense qu’elle nous a quittés… Je lui rends hommage dans mon podcast, vous connaissez Radio Charlène ?
Pouvez-vous nous parler un peu de votre prochain spectacle au Vingtième Théâtre ?
C’est un récital dont le thème est « les femmes ». Toutes sortes de femmes : les alcooliques, les cougars, les vamps, les exotiques, les vieilles vedettes et les pauvres filles aux destins tragiques comme on savait les évoquer subtilement dans la chanson à texte d’après-guerre : « On finit chez les fous ou couché sur une dalle de l’institut médico-légal… » Je ne reprendrai que trois ou quatre chansons des années précédentes, tout le reste est inédit. Et il y aura des surprises, dont, par définition, on ne peut pas parler !
Et des costumes ?
Oh, des accessoires plus que des costumes… J’aurai une robe principale qui s’accessoirisera au cours de la soirée. Ça brille, ça plume… et c’est surtout très lourd… la robe fait 5 ou 6 kilos, c’est plus de mon âge ! L’avantage avec ce genre de costume c’est qu’on donne l’impression de bouger beaucoup. Il devrait aussi y a voir quelques jolis garçons perclus d’admiration pour moi et qui me manipulent comme si j’étais une vieille bouteille classée. Mais attention, je ne fais pas d’acrobaties, je ne veux pas angoisser mon public, ni risquer de me casser le fémur. Je suis accompagnée par Patrick Laviosa, pianiste généreux, adorable et extrêmement doué, capable d’imiter une ouverture d’orchestre à lui tout seul. Il m’a rattrapée plus d’une fois… avec lui, on se sent en sécurité.
Etes-vous tentée par le théâtre musical ?
J’adore être sur scène avec des partenaires, c’est beaucoup plus reposant ! Si vous ajoutez à cela une belle histoire avec de bonnes chansons, vous me comblez. Donnez-moi du fond, je vous fais la forme ! Mais de vous à moi, pour le fond, concernant la scène parisienne, on le touche vraiment. On écrit de moins en moins de choses intéressantes. C’est dommage car il fut un temps où Paris menait la danse dans ce domaine. Mais depuis le genre Châtelet et Francis Lopez, on a du mal à se renouveler. Mai 68 a ringardisé tout cela en créant un grand vide. De toute façon, je ne passe jamais une audition : trop grande, ni chanteuse ni actrice, j’ai ma fierté, je ne vais pas au casse-pipe !
Mais alors que faites-vous en dehors de vos récitals ?
Je m’occupe de mon grand fils, dont les études s’éternisent, ce qui coûte fort cher. Et puis je n’arrête pas, entre les confitures, les voyages, quelques amourettes au soleil, mes apparitions à Gstaad. Ah aussi, je sors d’un lifting, celui de mon site qui m’occupe beaucoup. Je vous ai parlé de mon podcast Radio Charlène ? Tous les 15 jours, 3 minutes d’actualité politique et sportive — et aussi un peu de journalisme d’investigation — illustrées de chansons indémodables. Je vous assure, ça vaut le coup d’oreille ! [NDLR: on pourra y accéder ici]
La fiche spectacle de Charlène Duval… entre copines