Cabaret

0
529

Un musi­cal de Kan­der et Ebb
Mise en scène de Sam Mendes
Adap­ta­tion de Jacques Col­lard (textes) et Eric Taraud (lyrics)

Claire Pérot : Sal­ly Bowles
Fabi­an Richard : MC, le Maître de Cérémonie
Cather­ine Ardi­ti : Fraulein Schneider
Pierre Reg­giani : Herr Schultz
Del­phine Grand­sart : Fraulein Kost
Geof­froy Guer­ri­er : Cliff Bradshaw
Patrick Mazet : Ernst Ludwig

Ensem­ble féminin :
Vir­ginie Per­ri­er : (Sax­o­phone) / Dou­blure Kost / Dou­blure Sally
Ali­son Ewing (Vio­lon)
Audrey Senesse (Clar­inette)
Cather­ine Aron­del (Clar­inette)
Robyn Whit­ney Ben­nett (Trompette)

Ensem­ble masculin :
Dan Menasche : (Ban­jo) / Bobby
Kevin Duriez : (Trom­bone)
Eric Jet­ner : (Sax­o­phone) / Victor
Haykel Skouri : (Clar­inette) Max

Alex­is David : Dou­blure MC
Axel Chan­frault : Artiste volant mas­culin — (Vio­lon­celle)
Camille Artichaut : Artiste volant mas­culin — (Clar­inette, sax­o­phone, banjo)
Franck Mignat : Artiste volant mas­culin (Sax­o­phone)
Manon Lemesle : Artiste volant féminin (Vio­lon, alto)
Prisca Demarez : Artiste volant féminin (Sax­o­phone)
Katha­ri­na Lochmann : Artiste volant féminin (Vio­lon)

Rem­plaçants :
Sylvie Neyraut : Rem­plaçante Fraulein Schneider
Patrice Bouret : Rem­plaçant Herr Schultz

A la fin des années 20, Christo­pher Ish­er­wood, jeune anglais rêvant de devenir écrivain, vit pen­dant quelque temps en Alle­magne. De cette expéri­ence naî­tra Adieu à Berlin, un réc­it som­bre et dés­espéré où la faune inter­lope berli­noise, déca­dente et exces­sive est dépeinte dans toutes ses con­tra­dic­tions. Adieu à Berlin con­naî­tra de nom­breuses incar­na­tions. Broad­way en fera une pièce avec Julie Har­ris (I Am A Cam­era), puis un film du même nom. En 1966, Kan­der et Ebb le trans­for­ment en musi­cal : ce sera Cabaret, qui sera ensuite porté à l’écran en 1972 par Bob Fos­se, avec l’i­nou­bli­able Liza Min­nel­li dans le rôle de Sal­ly Bowles.

Dans l’imag­i­naire du grand pub­lic, Cabaret est sou­vent asso­cié au cha­peau mel­on de Liza Min­nel­li, à ses faux cils inter­minables et à des musiques entraî­nantes, voire guillerettes. On a par­fois ten­dance à oubli­er le con­texte his­torique cru­el qui accom­pa­gne cette oeu­vre : la mon­tée du nazisme an Alle­magne, dans une qua­si-indif­férence générale.
Aujour­d’hui, le pub­lic parisien a l’oc­ca­sion de décou­vrir Cabaret dans une mise en scène de Sam Mendes (rélisa­teur de Amer­i­can Beau­ty). Pour cette pro­duc­tion, créée à Lon­dres en 1993 et à Broad­way en 1998, Mendes a voulu immerg­er totale­ment le pub­lic dans l’am­biance d’un cabaret, trans­for­mant à chaque fois les théâtres dans lesquels le spec­ta­cle se joue en Kit Kat Klub, lieu de diver­tisse­ment coquin et de débauche légère où on  » laisse ses soucis dehors « . Ce par­ti pris lui per­me­t­tait d’il­lus­tr­er la mon­tée insi­dieuse du nazisme dans une société qui préfère s’a­ban­don­ner aux plaisirs illu­soires de la nuit plutôt que de faire face à la réalité.
Le pre­mier choix de mise en scène est donc effec­tif dès l’en­trée du spec­ta­teur dans le théâtre trans­for­mé en cabaret suran­né, et, autant le dire, le procédé est d’une red­outable — et stupé­fi­ante — effi­cac­ité. Relookées en Kit Kat Klub, les Folies Bergère s’of­frent une nou­velle jeunesse. Le célèbre music-hall de la rue Rich­er se pare de pour­pre et d’or, et de petites tables déli­cate­ment éclairées accueil­lent le spec­ta­teur à l’orchestre et sur quelques rangs de la cor­beille (les autres se con­tenteront de sièges classiques !).

Direc­tion, donc, un monde où  » tout est mag­nifique  » mais où les pos­es aguicheuses des danseuses cachent des corps faméliques, et où les arti­fices du cabaret ne parvi­en­nent pas à arrêter la marche de l’Histoire.
La mise en scène de Mendes (recréée pour Paris par BT McNi­choll), sobre et effi­cace, met bien en avant l’aspect humain de cette his­toire : le dilemme de Fraülein Schnei­der partagée entre son amour pour un juif est la pres­sion sociale de plus en plus écras­ante, l’éveil de la con­science poli­tique de Clif­ford Brad­shaw, la fuite en avant de Sal­ly Bowles qui refuse de voir la réal­ité en face et préfère le monde illu­soire de la scène… Par­al­lèle­ment, les numéros de cabaret vien­nent diver­tir les spec­ta­teurs mais au fur et à mesure que l’his­toire pro­gresse, la noirceur gagne du ter­rain. Entre le « Don’t Tell Mama » du début et la chan­son-titre de la fin, l’in­no­cence et l’e­spiè­g­lerie ont lais­sé place à un dés­espoir palpable.

La dis­tri­b­u­tion est impec­ca­ble et notam­ment les deux stars du Kit Kat Klub. Claire Pérot incar­ne une pétil­lante et vul­nérable Sal­ly Bowles, tour à tour agaçante, frag­ile et névrosée. Dans le rôle du Maître de Céré­monies, Fabi­an Richard est éton­nant. Ceux qui l’ont con­nu dans de rôles plus légers (Chance, Belles belles belles) décou­vriront de nou­velles facettes : som­bre, tor­turé, inso­lent, sexy ou provo­cant… un rôle en or qui lui per­met de mon­tr­er l’é­ten­due de son talent.

Enfin, il y a la par­ti­tion de Kan­der et Ebb, bril­lante, légendaire, séduisante avec des titres phares tels que « Mein Herr » ou « Maybe This Time » mais aus­si quelques joy­aux moins con­nus comme « I Don’t Care Much » ou « So What ». Elle est jouée en direct par un bel ensem­ble de musi­ciens dirigé par Daniel Glet.

Pour cette pre­mière pro­duc­tion, Stage Enter­tain­ment France relève son défi avec suc­cès, celui de présen­ter en France, avec une équipe française, un musi­cal aux stan­dards de Broad­way. Ce n’est cer­taine­ment pas dans ces colonnes que l’on doutera du vivi­er de tal­ents que l’on peut trou­ver en France mais en tout cas, Cabaret prou­vera aux scep­tiques que le théâtre musi­cal parisien a de belles heures devant lui, reste à espér­er que le pub­lic répon­dra à l’appel.