Un musical de Kander et Ebb
Mise en scène de Sam Mendes
Adaptation de Jacques Collard (textes) et Eric Taraud (lyrics)
Claire Pérot : Sally Bowles
Fabian Richard : MC, le Maître de Cérémonie
Catherine Arditi : Fraulein Schneider
Pierre Reggiani : Herr Schultz
Delphine Grandsart : Fraulein Kost
Geoffroy Guerrier : Cliff Bradshaw
Patrick Mazet : Ernst Ludwig
Ensemble féminin :
Virginie Perrier : (Saxophone) / Doublure Kost / Doublure Sally
Alison Ewing (Violon)
Audrey Senesse (Clarinette)
Catherine Arondel (Clarinette)
Robyn Whitney Bennett (Trompette)
Ensemble masculin :
Dan Menasche : (Banjo) / Bobby
Kevin Duriez : (Trombone)
Eric Jetner : (Saxophone) / Victor
Haykel Skouri : (Clarinette) Max
Alexis David : Doublure MC
Axel Chanfrault : Artiste volant masculin — (Violoncelle)
Camille Artichaut : Artiste volant masculin — (Clarinette, saxophone, banjo)
Franck Mignat : Artiste volant masculin (Saxophone)
Manon Lemesle : Artiste volant féminin (Violon, alto)
Prisca Demarez : Artiste volant féminin (Saxophone)
Katharina Lochmann : Artiste volant féminin (Violon)
Remplaçants :
Sylvie Neyraut : Remplaçante Fraulein Schneider
Patrice Bouret : Remplaçant Herr Schultz
A la fin des années 20, Christopher Isherwood, jeune anglais rêvant de devenir écrivain, vit pendant quelque temps en Allemagne. De cette expérience naîtra Adieu à Berlin, un récit sombre et désespéré où la faune interlope berlinoise, décadente et excessive est dépeinte dans toutes ses contradictions. Adieu à Berlin connaîtra de nombreuses incarnations. Broadway en fera une pièce avec Julie Harris (I Am A Camera), puis un film du même nom. En 1966, Kander et Ebb le transforment en musical : ce sera Cabaret, qui sera ensuite porté à l’écran en 1972 par Bob Fosse, avec l’inoubliable Liza Minnelli dans le rôle de Sally Bowles.
Dans l’imaginaire du grand public, Cabaret est souvent associé au chapeau melon de Liza Minnelli, à ses faux cils interminables et à des musiques entraînantes, voire guillerettes. On a parfois tendance à oublier le contexte historique cruel qui accompagne cette oeuvre : la montée du nazisme an Allemagne, dans une quasi-indifférence générale.
Aujourd’hui, le public parisien a l’occasion de découvrir Cabaret dans une mise en scène de Sam Mendes (rélisateur de American Beauty). Pour cette production, créée à Londres en 1993 et à Broadway en 1998, Mendes a voulu immerger totalement le public dans l’ambiance d’un cabaret, transformant à chaque fois les théâtres dans lesquels le spectacle se joue en Kit Kat Klub, lieu de divertissement coquin et de débauche légère où on » laisse ses soucis dehors « . Ce parti pris lui permettait d’illustrer la montée insidieuse du nazisme dans une société qui préfère s’abandonner aux plaisirs illusoires de la nuit plutôt que de faire face à la réalité.
Le premier choix de mise en scène est donc effectif dès l’entrée du spectateur dans le théâtre transformé en cabaret suranné, et, autant le dire, le procédé est d’une redoutable — et stupéfiante — efficacité. Relookées en Kit Kat Klub, les Folies Bergère s’offrent une nouvelle jeunesse. Le célèbre music-hall de la rue Richer se pare de pourpre et d’or, et de petites tables délicatement éclairées accueillent le spectateur à l’orchestre et sur quelques rangs de la corbeille (les autres se contenteront de sièges classiques !).
Direction, donc, un monde où » tout est magnifique » mais où les poses aguicheuses des danseuses cachent des corps faméliques, et où les artifices du cabaret ne parviennent pas à arrêter la marche de l’Histoire.
La mise en scène de Mendes (recréée pour Paris par BT McNicholl), sobre et efficace, met bien en avant l’aspect humain de cette histoire : le dilemme de Fraülein Schneider partagée entre son amour pour un juif est la pression sociale de plus en plus écrasante, l’éveil de la conscience politique de Clifford Bradshaw, la fuite en avant de Sally Bowles qui refuse de voir la réalité en face et préfère le monde illusoire de la scène… Parallèlement, les numéros de cabaret viennent divertir les spectateurs mais au fur et à mesure que l’histoire progresse, la noirceur gagne du terrain. Entre le « Don’t Tell Mama » du début et la chanson-titre de la fin, l’innocence et l’espièglerie ont laissé place à un désespoir palpable.
La distribution est impeccable et notamment les deux stars du Kit Kat Klub. Claire Pérot incarne une pétillante et vulnérable Sally Bowles, tour à tour agaçante, fragile et névrosée. Dans le rôle du Maître de Cérémonies, Fabian Richard est étonnant. Ceux qui l’ont connu dans de rôles plus légers (Chance, Belles belles belles) découvriront de nouvelles facettes : sombre, torturé, insolent, sexy ou provocant… un rôle en or qui lui permet de montrer l’étendue de son talent.
Enfin, il y a la partition de Kander et Ebb, brillante, légendaire, séduisante avec des titres phares tels que « Mein Herr » ou « Maybe This Time » mais aussi quelques joyaux moins connus comme « I Don’t Care Much » ou « So What ». Elle est jouée en direct par un bel ensemble de musiciens dirigé par Daniel Glet.
Pour cette première production, Stage Entertainment France relève son défi avec succès, celui de présenter en France, avec une équipe française, un musical aux standards de Broadway. Ce n’est certainement pas dans ces colonnes que l’on doutera du vivier de talents que l’on peut trouver en France mais en tout cas, Cabaret prouvera aux sceptiques que le théâtre musical parisien a de belles heures devant lui, reste à espérer que le public répondra à l’appel.