Création musicale de Reinhardt Wagner.
Textes de chansons : Franck Thomas.
Poésies de André Salmon, Max Jacob, Guillaume Apollinaire
Avec Jean-Jacques Beineix, Héloïse Wagner (chant), Emmanuelle Goizé (chant), Rodrigue Fernandes ou Jean-Claude Laudat (accordéon), Reinhardt Wagner (piano).
Mise en scène : Manon Elézaar.
Mêlant poèmes, textes, chansons et musique, le Cabaret Picasso retrace les débuts Parisien de Pablo Picasso. Sa vie au Bateau-Lavoir, l’amour avec Fernande Olivier, les rencontres décisives, les amitiés… Parmi celles-ci, la bande à Pablo : Guillaume Apollinaire, Max Jacob, André Salmon.
Hymne à l’espoir, ce cabaret est une invitation au voyage dans ce Montmartre des années 1900 où règne une effervescence créatrice portée par des artistes à l’imagination sans limite.
Notre avis : Un espace central largement occupé par un piano à queue, des guirlandes aux ampoules colorées, une table et deux chaises, une barrique qui fait office de comptoir : c’est au cœur de ce décor de bistro – on peut d’ailleurs boire un verre pendant le spectacle – que nous sont contées les années où Picasso vint à Paris puis installa son atelier au Bateau-Lavoir. De 1901 jusqu’à l’arrivée de la Grande guerre, autour du jeune peintre qui enchaîne ses périodes bleue, puis rose, avant d’oser Les Demoiselles d’Avignon et le cubisme, on y croise des poètes et d’autres artistes « à la vie débridée » comme Matisse, Braque ou Utrillo. Leurs rencontres, leurs amitiés, leurs amours, leurs trahisons s’égrènent au fil de la soirée, au gré de chansons aux mélodies plaisamment chaloupées et aux textes bien tournés, tantôt virevoltantes tantôt émouvantes, mais toujours empreintes d’une vague nostalgie. Des poèmes de Max Jacob et André Salmon – brefs comme des aphorismes – et d’autres signés Guillaume Apollinaire ponctuent la progression chronologique de réflexions sur l’art et sur l’air du temps.
De ces tranches de vie au Bateau-Lavoir, si divertissantes soient-elles mais qui semblent la plupart du temps anecdotiques, on aurait aimé voir se dégager une dimension plus universelle ou plus approfondie sur une période historique riche en transformations – déjà la Kiki de Montparnasse, des mêmes créateurs, nous avait paru trop terre à terre. Et, comme pour Kiki, le meilleur de la soirée tient dans l’investissement des artistes en scène. Si la déclamation des poèmes, façon brèves de comptoir, par un Jean-Jacques Beineix trop placide, manque un peu de chair, les deux chanteuses, en revanche, rayonnent. Incarnant Fernande Olivier, la muse de Picasso, la blonde et espiègle Héloïse Wagner, coiffée comme un garçon au look de titi parisien, imprime sa fraîcheur et sa spontanéité, tandis que, rappelant les origines espagnoles de Picasso, la brune Emmanuelle Goizé, plus insolente dans l’œillade et plus corsée de timbre, commente les événements et fait avancer l’action avec beaucoup d’aplomb. L’une et l’autre pétillent et insufflent, aux côtés d’un pianiste-compositeur et d’un accordéoniste engagés, une séduction irrésistible à ce spectacle agréable, vivant et rythmé.