Adaptation d’après le répertoire du théâtre du Grand-Guignol par l’Equipe Rozet
Conception et mise en scène : Bernard Rozet
Jeu et chant : Jeanne-Marie Lévy, Corinne Meric, Bernard Rozet, Pascal Hild
Lumières : Pascal Nougier
Costumes : Eric Chambon
Décor : Bernard Rozet / construction : Jérôme Sauvion
Notre avis :
Dès le début de Cabaret Cannibale, le ton est donné : une comédienne tout juste sortie de scène est au téléphone avec son mari mais la mort plane…et l’humour aussi ! Le théâtre du Grand-Guignol est remis au goût du jour ! Une des bonnes idées de Cabaret Cannibale est d’enchaîner avec rythme plusieurs histoires, mais avec un fil conducteur en jouant régulièrement la carte du « théâtre dans le théâtre ». Le spectacle met en scène des artistes dans leur élément mais également en coulisse, ce qui permet de fréquemment semer le trouble et le rire jusqu’à la fin des tableaux pour notre plus grand plaisir.
Plusieurs personnages seront poignardés, guillotinés, étranglés, tués par armes à feu… Plusieurs parties du corps seront tranchées : tête, mains, gorge, tronc… Malgré ces éléments, Cabaret Cannibale est loin de se contenter d’une parodie caricaturant à l’extrême le registre de l’horreur façon Scary Movie par exemple (ce qui aurait d’ailleurs pu être un succès) et se hisse ambitieusement plusieurs tons au-dessus. Le spectacle navigue à merveille entre des situations purement absurdes et d’autres teintées d’un humour noir et corrosif, avec des répliques savoureuses, surprenant régulièrement le spectateur. Jeanne-Marie Levy, Corinne Meric, Bernard Rozet et Pascal Hild s’en donnent à coeur joie dans les différents tableaux.
La scénographie utilise notamment un rideau de fil sur le devant de la scène, la scindant régulièrement en deux parties. Des personnages se retrouvent alors au plus près des spectateurs — qui restent particulièrement sur le qui-vive — alors que d’autres personnages se situent en arrière-plan. Plus globalement, la mise en scène exploite pleinement l’espace du théâtre pour assurer sans faille un rythme soutenu jusqu’à la dernière seconde. Le spectacle bénéficie d’éclairages savamment distillés sur la scène, permettant de conserver et de mettre en valeur le côté sombre du Grand Guignol. Dans ce cadre, on ne serait guère surpris de voir apparaitre Bela Lugosi (période avant ou après Ed Wood, au choix !) pour les cinéphiles ou encore Sweeney Todd, le Diabolique Barbier de Fleet Street, pour les passionnés de théâtre musical (ou de Tim Burton, référence également envisageable pour l’univers de Cabaret Cannibale). Des chansons accompagnées au piano s’intègrent parfaitement dans cet univers grand-guignolesque. Bien interprétées, leurs tonalités varient : comiques, réalistes, théâtrales, lyriques…
Avec Cabaret Cannibale, l’équipe Rozet redonne ses lettres de noblesse au théâtre du Grand-Guignol. Déjà impliquée dans une des grandes réussites de la saison lyonnaise 2010–2011 avec une version mise en musique de la Dame de chez Maxim (Biennale du Fort de Bron 2011), l’équipe Rozet récidive dans un tout autre cadre artistique avec ce qui s’annonce d’ores et déjà comme une des pépites de la saison en cours.