sur des musiques de Kurt Weill
mise en scène : Christian Abart
avec : Claudine Van Beneden et Eric Ramin
Critique parue lors des représentations de 2000 au Pibar
Le défi de l’équipe créatrice de Cabaret Berlin, Paris, New-York a été de servir un riche matériau musical avec des moyens limités. Lorsque vous entrez dans le cabaret, vous voyez une scène dépouillée à même le sol, avec un piano à l’entrée, et guère plus d’accessoires. A la musique et aux textes de faire le reste. Et le pari ambitieux est en grande partie tenu.
On apprécie d’avoir un tempérament d’actrice pour colorer ces chansons de caractère, leur conférer une atmosphère sans s’abandonner à la facilité. Et le plus souvent, ça marche. Parfois on se dit que l’une d’elles fonctionne un peu moins bien : la période allemande a un léger goût d’inachevé comme s’il fallait passer plus vite à cause de l’obstacle de la langue. Pour d’autres, c’est un régal: La période française est délicieuse à révéler ses mots habilement mis en musique. De plus, à ce moment le couple Weill/Lenya bat de l’aile, ce que les chansons commentent. Enfin, la période américaine autorise un cabotinage de bon aloi quand le piano manque lui parfois un peu de nuances et n’aide pas toujours à valoriser des partitions pleines de finesses harmoniques. On peut aussi regretter la brièveté des textes de transition, alors que la densité des chansons et la vie en filigrane de Kurt Weill/Lotte Lenya appelait des enchaînements plus consistants. Il y avait matière peut-être à plus de théâtre.
Mais au bilan, le spectacle fonctionne bien. Une fois qu’on s’est fait à cette idée d’un certain dépouillement, on apprécie d’entendre les magnifiques et souvent trop rares chansons de Kurt Weill. Claudine van Beneden et Antoine Guillot jouent à moins de 10 mètres du public le plus éloigné, alors ne boudez pas le plaisir d’entendre du Weill d’aussi près. Vous obtiendrez ainsi quelques clés pour apprécier ces superbes chansons. Car il peut qu’ensuite, rentré chez vous, vous en redemandiez.