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Cabaret (Critique)

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cabaret7, 8, 10, 11 & 12 juil­let Folies Lyriques, Domaine d’O, Montpellier
22, 26 & 30 juil­let Fes­ti­val de Théâtre de Figeac
2, 11, 15 août Fes­ti­val de Saint-Céré
12,13 décem­bre Grande Scène, Le Chesnay
16–20 décem­bre Odys­sud, Blagnac
10,11 jan­vi­er L’Archipel, Scène Nationale de Perpignan
14 jan­vi­er Théâtre, Scène Nationale d’Albi
16,17 jan­vi­er Le Pin Galant, Mérignac
31 jan­vi­er Palais des Con­grès, Issy-les-Moulineaux
11, 12 avril Opéra de Massy
23 avril Gare du Midi, Biarritz
5 mai Théâtre, Cahors

Livret de Joe Mas­teroff d’après la pièce de John Van Druten et les nou­velles de Christo­pher Isherwood
Musique : John Kander
Paroles : Fred Ebb
Pro­duit et mis en scène à l’origine par Harold Prince pour la Scène de Broadway
Chan­té en Anglais / textes par­lés en Français
Mise en scène : Olivi­er Desbordes
Direc­tion musi­cale : Dominique Trottein
Choré­gra­phie : Glyslein Lefever
Cos­tumes : Jean-Michel Angays
Décor : Patrice Gouron
Lumières : Mau­rice Fouil­hé (Mont­pel­li­er), Guil­laume Hébrard (Figeac/St-Céré)
Maquil­lage : Pas­cale Fau
Créa­tion vidéo : Bérenger Thouin
Assis­tant met­teur en scène : Damien Lefèvre
Avec : Chi­na Moses (Sal­ly Bowles), Nicole Croisille (Frau Schnei­der), Éric Perez (Le Maître de céré­monie), Samuel The­is (Clif­ford Brad­shaw), Patrick Zim­mer­mann (Herr Schultz), Pauline Moulène (Fraulein Kost), Clé­ment Chebli (Ersnt Ludwig)
Et avec : Anand­ha Seetha­nen, Anne-Sophie Domer­gue, Sarah Laz­erges, Yas­sine Benameur, Antoine Bail­let, Déb­o­rah Tor­rès, Sarah Zogh­la­mi, Paula Lefever, Pas­cale Peladan, Fan­ny Agua­do, Mar­lène Wirth, Gré­go­ry Garell, Hedi Ham­mam, Rafael Linares.

Résumé :

Cabaret, c’est le Musi­cal d’Harold Prince à Broad­way. C’est aus­si Liza Min­nel­li dans le Film de Bob Fosse.
Cabaret, c’est un réc­it qui se sert de la morosité pro­fonde d’un peu­ple en quête de plaisirs et dis­trac­tions comme trame de fond.
Cabaret, c’est surtout un spec­ta­cle qui n’échappe pas à la cru­auté d’une péri­ode de l’histoire pen­dant laque­lle l’humanité a dû se bat­tre pour rester vivante.
Cabaret, ou presque 40 années de la vie d’un spec­ta­cle qui n’a pas fini de nous éton­ner tant ses ressources sont inépuisables.

Notre avis :

L’an dernier, le Fes­ti­val de St-Céré, sous la houlette d’O­livi­er Des­bor­des, avait fait décou­vrir une œuvre rel­a­tive­ment mécon­nue de Kurt Weill, Lost In The Stars. Cette année, c’est au con­traire un des musi­cals de Broad­way les plus con­nus, Cabaret, qui est pro­posé. Entre le célèbre film de Bob Fos­se et la ver­sion scène de Sam Mendes que l’on a pu voir à Paris, pro­duite par Stage Enter­tain­ment, le pub­lic est par­ti­c­ulière­ment fam­i­li­er avec l’his­toire de ce Kit Kat Klub inter­lope dans le Berlin des années 30 en proie à la mon­tée du nazisme.

Ici, il est intéres­sant de redé­cou­vrir Cabaret sous une forme un peu moins habituelle, à savoir une forme plus proche de la pro­duc­tion orig­i­nale (1966) et donc antérieure au film (1972), avec quelques chan­sons absentes des pro­duc­tions les plus récentes (« The Tele­phone Song », « Don’t Go » — celle-ci fut cepen­dant écrite en 1987 — et « Sit­ting Pret­ty » qui intro­duit « Mon­ey » ) et sans deux des plus grands tubes de Cabaret, écrits spé­ciale­ment pour le film (« Mein Herr » et « Maybe This Time ») et qui sont générale­ment inté­grés au spec­ta­cle depuis. Il en résulte un léger rééquili­brage des per­son­nages au milieu duquel Sal­ly s’ef­face un peu plus, tan­dis que Clif­ford, Schultz et Schnei­der se réap­pro­prient l’histoire.

Avec cette pro­duc­tion, il faut oubli­er le traite­ment réal­iste du film et de la ver­sion de Mendes et accepter la propo­si­tion auda­cieuse de Des­bor­des, faisant des paroles « Life is a cabaret » un véri­ta­ble pos­tu­lat. En effet, dans cette ver­sion, même les scènes de la vie quo­ti­di­enne des per­son­nages (dans le train, chez la logeuse) pren­nent place dans un espace scénique au sein de l’e­space scénique. Le procédé est poussé à l’ex­trême avec le per­son­nage de Schultz entière­ment grimé en clown blanc, à la fois vul­nérable et comique, tan­dis que Fraulein Schnei­der oscille entre Mrs Lovett et Mme Thé­nardier (en tout cas au niveau visuel). Si cet effet peut par­fois dis­tanci­er le spec­ta­teur et diluer un peu l’empathie, il illus­tre en tout cas le fait que la vie n’est qu’un cabaret, ou un cirque, et encore plus dans cette péri­ode trou­ble de l’his­toire où l’on préfère se laiss­er hyp­no­tis­er par les lumières clin­quantes du spec­ta­cle plutôt que de regarder la réal­ité en face.

A cet égard, la propo­si­tion visuelle est donc forte : couleurs tranchées, maquil­lages expres­sion­nistes, références téle­scopées, où se ren­con­trent Pab­st, Hol­ly­wood, Man Ray, les revues à plumes et Freaks, com­posent une vision dérangeante d’une société en train de som­br­er dans l’en­fer, au milieu duquel offi­cie un Maître de céré­monies (Eric Perez) dis­til­lant son cynisme et sa per­ver­sité. Et les pro­jec­tions d’im­ages d’époque (foule, néons, archi­tec­ture), par­ti­c­ulière­ment bien util­isées (ce n’est pas tou­jours le cas dans beau­coup de spec­ta­cle), ramè­nent l’his­toire à une cer­taine réal­ité noire et blanche : une très belle créa­tion vidéo de Bérenger Thouin.

Dans ce tour­bil­lon, Sal­ly, inter­prétée par Chi­na Moses, perd sans doute un peu du dés­espoir et des écorchures qui sem­blent intrin­sèques au per­son­nage. On peut aus­si s’in­ter­roger sur l’u­til­ité de l’ac­cent alle­mand pris par Nicole Croisille (par ailleurs touchante dans ses solos). Il n’en reste pas moins que cette ver­sion pro­pose une vision de l’œu­vre assez rad­i­cale, qui pour­ra décon­cert­er cer­tains, mais qui rend pal­pa­ble la déliques­cence cauchemardesque d’une époque.