Deux spectacles chaque soir
Conception et mise en scène : Alfredo Arias
Texte : Alfredo Arias et René de Ceccaty
Arrangements musicaux : Diego Vila
Costumes : Pablo Ramirez
Lumières : Jacques Rouveyroullis
19 h 15 : Hermanas
Music hall
Avec Sandra Guida et Alejandra Radano
Chorégraphie : Gustavo Wons
Maître de chant : Ana Carfi
Les hermanas (soeurs) de ce nouveau spectacle de music-hall d’Alfredo Arias s’inspirent plus volontiers des vénéneuses Joan Crawford et Bette Davis dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (maquillage blafard, contour des yeux accentué au noir, petite frange bombée) que des fraîches Deneuve et Dorléac dans Les Demoiselles de Rochefort. Sandra Guida et Alejandra Radano en doubles vaguement inquiétants nous invitent à un tour du monde des chanteuses parfois kitsch, parfois cultes, quelquefois les deux, icônes du music-hall et bien souvent égéries et gays illustrations parfaites de l’adjectif « camp ». La sélection est aussi éclectique qu’improbable : Gianna Nannini, Mina ou Patty Pravo côtoient Mistinguett, Joséphine Baker, Marie Dubas ou encore Cathy Berberian (et son inénarrable version de « Ticket To Ride » des Beatles). La mise en scène et la chorégraphie sont sobres, précises, parfois minimalistes, mettant en avant le côté à la fois fascinant et monstrueux de ces stars, et bien que parfois elles soient montrées sous un jour frisant le grotesque, l’œil tendre et aimant d’Arias pour ses idoles est toujours présent.
Les amateurs de comédies musicales apprécieront les clins d’oeil en tout genre. Le fantôme de Bob Fosse plane sur les chorégraphies (Cabaret, Chicago, Sweet Charity…). La sélection révèle quelques numéros pointus et inattendus, notamment « I Will Never Leave You » de Side Show (1997), le musical qui avait révélé Alice Ripley et Emily Skinner dans le rôle de deux soeurs siamoises, ainsi que « Solid Silver Platform Shoes », extrait de The Magic Show (1974) de Stephen Schwartz (Wicked, Godspell, Pippin), dont on peut trouver une version sur un des albums de… Alice Ripley et Emily Skinner, précisément.
Les connaisseurs de « vieilles chanteuses » (à vous de rajouter un deuxième adjectif de votre choix : kitsch, ringardes, légendaires, sublimes…) se délecteront de ces trésors exhumés qui n’excluent pas la poésie (comme le « Aimer » de Jeanne Moreau, revisité façon jazz). Les autres pourront tout autant se laisser séduire par ce cabaret étrange, atypique, définitivement original.
21 h : Cinelandia
Théâtre avec chansons
Avec Alfredo Arias, Sandra Guida, Antonio Interlandi, Alejandra Radano
Des souvenirs de sa jeunesse argentine, Alfredo Arias a souvent fait la matière première de ses spectacles (on pense notamment au spectacle musical Mortadela). Dans Cinelandia, il évoque à sa façon quatre films argentins qui l’ont marqué, pour une raison ou pour une autre. Connaissant le goût du metteur en scène pour les univers colorés et « over the top », on aura compris qu’il s’agit ici de films « mineurs », et non de classiques de cinéma, de ceux dont on dit parfois : « c’est tellement mauvais que c’en est bon ». Mélos à l’eau de rose, films pseudo-érotiques de série Z, Dame aux Camélias version porteña, Arias revisite avec humour ces vieilles kistcheries. Intervenant dans le fil du récit pour apporter ses commentaires ironiques, faire des raccourcis ou ajouter une anecdote historique, Arias est tel le maître de cérémonies de sa propre mémoire. Et comme Arias aime le musical, il n’hésite pas à intégrer des chansons pour illustrer l’état d’âme des personnages. En quoi une ouvrière d’abattoir un peu butch n’aurait-elle pas le droit de s’exprimer en tango ?
Sandra Guida, Alejandra Radano et Antonio Interlandi passent d’un rôle à un autre selon les tableaux, jouent les innocentes bafouées, les séducteurs crooners ou les nonnes chantantes, et se délectent de ces personnages outranciers. Au milieu de ce trio passionné, Alfredo Arias offre sa présence calme, sereine, distancié, posant un regard à la fois tendre et moqueur sur les films qui ont marqué sa jeunesse. Au final, la fusion opère ; et le cinéma qui a, sans aucun doute, influencé en partie l’œuvre d’Arias renaît sous un nouveau jour, nourri de la vision personnelle d’un homme de théâtre.