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Evita (Bruxelles) (Critique)

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evitaAprès le tri­om­phe réservé en 2015 à La Mélodie du Bon­heur, le Fes­ti­val Brux­el­lons! créera à nou­veau l’événe­ment en pro­posant cet été à Brux­elles la Créa­tion Mon­di­ale en Français de Evi­ta, la célèbre comédie musi­cale retraçant la vie légendaire de Eva Perón.

D’An­drew Lloyd Web­ber & Tim Rice
Mise en scène : Daniel Hanssens & Jack Coop­er assistés de Simon Paco
Dra­maturgie : Olivi­er Moerens
Direc­tion musi­cale : Pas­cal Char­p­en­tier assisté de Julie Delbart
Choré­gra­phie : Joëlle Morane
Dance Cap­tains : Alex­ia Cuve­li­er, Kylian Campbell
Coach Vocal : Fab­rice Pillet
Scéno­gra­phie : Dim­itri Shumelinsky
Cos­tumes : Françoise Van Thienen
Lumière : Lau­rent Kaye
Son : Marko Gudan­s­ki assisté de Xavier Gillis
Per­ruques et maquil­lage : Véronique Lacroix
Direc­tion tech­nique : Yves Hauwaert
Tra­duc­tion française de Jack Coop­er, Olivi­er Moerens, Simon Paco, Julie Delbart

Avec : Deb­o­rah De Rid­der (Eva Per­on), Steven Colombeen (Che), Philippe d’Av­il­la (Juan Per­on), Anto­nio Inter­lan­di (Mag­a­l­di) & Maud Hanssens (la maîtresse).
Ensem­ble : Joli­jn Antonis­sen, Damien Loc­queneux, Joseph Lau­rent, Lau­ra Mas­ci, Kylian Camp­bell, Floris Devooght, Gre­go­ry Garell, Nitya Fierens, Ori­ane Hulin, Anne Frech­es, Clelia More­au, Julie Prayez, Alex­ia Cuve­li­er, Marie-Lau­re Coen­jaerts, Romi­na Palmeri, Ines Bafdili, Chris­t­ian Hut­ter, Bri­an Papadim­itri­ou, Joris de Beul, Chris­t­ian Louis-James, Roland Bekkers, Gae­tan Bergez, Fran­cis Colignon.

Représen­ta­tions :

Lun­di 11 juil­let 2016 à 20h45
Mar­di 12 juil­let 2016 à 20h45
Mer­cre­di 13 juil­let 2016 à 20h45
Jeu­di 14 juil­let 2016 à 20h45
Same­di 16 juil­let 2016 à 20h45
Same­di 23 juil­let 2016 à 20h45
Dimanche 24 juil­let 2016 à 20h45
Mer­cre­di 27 juil­let 2016 à 20h45
Jeu­di 28 juil­let 2016 à 20h45 (+ sur­titrage en Néerlandais)
Ven­dre­di 29 juil­let 2016 à 20h45 (+ sur­titrage en Néerlandais)
Dimanche 07 août 2016 à 20h45
Lun­di 08 août 2016 à 20h45
Mer­cre­di 10 août 2016 à 20h45
Jeu­di 11 août 2016 à 20h45
Ven­dre­di 12 août 2016 à 20h45
Same­di 13 août 2016 à 20h45
Dimanche 21 août 2016 à 15h30
Dimanche 21 août 2016 à 20h45 (+ sur­titrage en Néerlandais)
Lun­di 22 août 2016 à 20h45 (+ sur­titrage en Néerlandais)
Jeu­di 25 août 2016 à 20h45 (+ sur­titrage en Néerlandais)
Ven­dre­di 26 août 2016 à 20h45 (+ sur­titrage en Néerlandais)
Same­di 27 août 2016 à 20h45
Ven­dre­di 2 sep­tem­bre 2016 à 20h45
Same­di 3 sep­tem­bre 2016 à 20h45
Mar­di 6 sep­tem­bre 2016 à 20h45
Date sup­plé­men­taire le 7 septembre

Résumé : Le spec­ta­cle com­mence dans un ciné­ma à Buenos Aires, le 26 juil­let 1952. Le film est inter­rompu par le pro­prié­taire de la salle qui annonce que Eva Perón, le chef spir­ituel de la nation, est décédée.
Le peu­ple argentin est écrasé par une sincère et pro­fonde douleur. Che, un obser­va­teur qui va nous offrir ses com­men­taires pen­dant tout le spec­ta­cle, regarde impres­sion­né cette foule en deuil mais n’est pas dupe de la mort de l’étoile filante Evi­ta Perón. Pour lui, son enter­re­ment n’est qu’un grand cirque, dernière étape d’une grande tromperie qui n’a que trop longtemps duré !
Nous remon­tons dans le temps pour retrou­ver Eva en 1934, âgée d’à peine 15 ans. Ses pre­miers sen­ti­ments amoureux nais­sent pour un chanteur de tan­go, Agustín Mag­a­l­di qu’elle sup­plie de l’emmener à Buenos Aires. Il essaye de la met­tre en garde face aux dan­gers de cette ville fan­tas­magorique, mais rien ne peut déjà plus arrêter la jeune fille. Elle quit­tera vite Mag­a­l­di, qui est un homme mar­ié, et com­mence son ascen­sion s’offrant à quiconque l’aidera à devenir actrice. Che nous décrit le nou­veau vis­age poli­tique de l’Ar­gen­tine suite au coup d’é­tat de l’ex­trême droite argen­tine en 1943, où nous voyons le Colonel Perón gravir les éch­e­lons politiques.
Lors d’un con­cert de char­ité, l’actrice Eva Duarte ren­con­tre le Colonel Perón. Ils réalisent tous deux qu’ils peu­vent s’aider mutuelle­ment à sat­is­faire leurs ambi­tions respec­tives. Aus­sitôt, elle sort du lit la maîtresse de Perón pour pren­dre sa place.
Dès que sa rela­tion avec Perón devient de notoriété publique, Eva est accueil­lie avec le plus haut dédain par la haute bour­geoisie et les officiers de l’ar­mée qui ne peu­vent accepter qu’une fille du peu­ple soit si proche des hautes sphères du pou­voir. En 1946, Perón com­mence sa cam­pagne élec­torale pour devenir prési­dent. Eva lui assure qu’il sera élu. Ensem­ble, ils se bat­tent pour «Une Nou­velle Argen­tine», menaçant d’a­bat­tre quiconque se trou­ve sur leur chemin.
Perón est élu en juin 1946 et s’adresse depuis le bal­con de la rési­dence prési­den­tielle, la Casa Rosa­da, aux mil­liers de pau­vres qui espèrent un avenir meilleur. Eva déclare à cette foule assem­blée qu’elle a jadis espéré renom­mée et gloire, mais qu’elle se con­cen­tr­era désor­mais au bon­heur de son peu­ple. Che s’in­ter­roge sur le prix qu’il va fal­loir pay­er pour la gloire d’Eva.
Cette dernière com­mence à devenir plus pop­u­laire que son mari et même si elle se soucie du bien-être des argentins, elle exige de vivre dans le plus grand luxe. Par con­tre, elle con­tin­ue à mépris­er les class­es moyennes et supérieures. Che se demande quand, au-delà des belles promess­es, elle com­mencera réelle­ment ses œuvres de char­ité. Elle se lance dans une « grande tournée diplo­ma­tique » en Europe où elle ambi­tionne de ren­con­tr­er les plus grands chefs d’É­tat, mais elle est sou­vent accueil­lie avec froideur, voire avec mépris.
C’est une Evi­ta pro­fondé­ment dif­férente qui revien­dra en Argen­tine: elle est en train de per­dre le peu­ple et n’a pas gag­né la con­fi­ance des class­es aris­to­cra­tiques. Elle crée la Eva Perón Fon­da­tion qui a pour but pre­mier d’aider le peu­ple. Cette organ­i­sa­tion car­i­ta­tive col­lecte des fonds en organ­isant des fes­tiv­ités grandios­es – et val­orisantes – pour les hautes class­es. Eva est vite con­sid­érée comme San­ta Evi­ta, la per­son­ne sur Terre la plus proche de la Vierge Marie… Eva danse pas­sion­né­ment avec Che, sym­bole d’un peu­ple argentin trompé…
Mais la mal­adie sur­git et Eva accepte de se bat­tre pour sa guéri­son. Elle com­prend aus­si que l’amour de Perón était réel, et pas seule­ment jus­ti­fié par la pop­u­lar­ité qu’elle lui apportait.
Les élec­tions sont proches et elle brigue la vice-prési­dence de l’Argentine, mais le pays est au bord du chaos économique et surtout l’état-major de l’armée sup­porte de plus en plus mal son ingérence dans les affaires de l’état. Perón souhait­erait qu’elle ne se préoc­cupe que de sa san­té. Se ren­dant compte que le can­cer prend lente­ment pos­ses­sion de son corps, elle déclare son amour au peu­ple argentin. Dans ses derniers moments, elle se remé­more les prin­ci­pales étapes de sa courte vie. Elle meurt et est embaumée.
Nou­velle ironie de l’histoire, son corps sera « volé » et dis­paraî­tra pen­dant 16 ans. Moins de trois ans plus tard, Juan Perón sera ren­ver­sé par un coup d’état militaire.

Notre avis : Envie de voir un musi­cal de Sir Andrew Lloyd Web­ber en français ? En atten­dant Le Fan­tôme de l’Opéra à Paris, c’est du côté de la Bel­gique qu’il faut aller pour sat­is­faire ses envies. Le fes­ti­val Brux­el­lons!, après avoir pro­posé La mélodie du bon­heur l’été dernier, s’at­taque aujour­d’hui au célèbre musi­cal pop retraçant la vie de la pasion­ar­ia argen­tine, fig­ure charis­ma­tique, adulée et décriée à la fois. Créé à Lon­dres en 78 puis à New York en 79, le musi­cal révéla Elaine Paige et Pat­ti LuPone et com­porte l’un des airs les plus célèbres de Lloyd Web­ber (avec « Mem­o­ry ») : « Don’t Cry For Me Argenti­na » qui compte d’in­nom­brables ver­sions, de Madon­na (pour le film) à Shirley Bassey en pas­sant par Annie Cordy (si, si, on vous l’as­sure). Si cette incon­tourn­able chan­son exis­tait déjà en français, c’est bien la pre­mière fois que Evi­ta est créé en français, entière­ment donc, et ce sont à nos voisins belges que nous le devons.
Pro­duite par une équipe de pas­sion­nés, cette ver­sion fran­coph­o­ne est jouée en plein air, dans la cour du Château du Kar­rev­eld, à Brux­elles. Avec une dis­tri­b­u­tion con­séquente (28 artistes sur scène), un orchestre d’une dizaine de musi­ciens dirigés avec peps par Pas­cal Char­p­en­tier, et une mise en scène astu­cieuse sans effets arti­fi­ciels (Daniel Hanssens et Jack Coop­er), cette Evi­ta n’a rien à envi­er à sa com­parse du West End (on pense à la dernière tournée anglaise qui s’est ter­minée au Domin­ion en 2014) : elle est même plus sincère, plus inci­sive, et dis­ons-le, moins pré­ten­tieuse. Ici, l’aspect poli­tique et psy­chologique n’est pas mis de côté, il est le moteur de l’ac­tion et les tableaux de groupe (par­ti­c­ulière­ment réus­sis) avec notam­ment des choré­gra­phies de Joëlle Morane, par­ticipent à la pro­gres­sion dra­ma­tique sans la ralen­tir, portés par un ensem­ble investi, sans oubli­er l’a­mu­sant croon­er Mag­a­l­di (Anto­nio Inter­lan­di) et l’é­mou­vante Maitresse (Maud Hanssens) dont les appari­tions appor­tent des jolies séquences. Enfin, le trio cen­tral (Deb­o­rah de Rid­der en Evi­ta, Philippe d’Av­il­la en Juan Per­on et Steven Colombeen en Che) fonc­tionne avec une réelle alchimie en offrant une réelle épais­seur à leurs personnages.
Si la par­ti­tion de Lloyd Web­ber offre de réels bijoux (« Don’t Cry… » mais aus­si « Anoth­er Suit­case, Anoth­er Hall », « High Fly­ing Adored » et désor­mais « You Must Love Me » écrit pour le film), on peut par­fois reprocher au com­pos­i­teur de réu­tilis­er un peu trop ses thèmes (et il le fait dans beau­coup de ses œuvres). Hormis ces petites redon­dances pro­pres à l’écri­t­ure de Sir ALW, cette Evi­ta est une belle et agréable sur­prise qui mérite d’être saluée et vue.