Comment tout a débuté pour vous ?
Ce métier est une vocation pour moi. J’ignore d’où ça vient. Très tôt j’ai ressenti le besoin de diriger les gens, pas forcément d’être moi-même sur scène. Vers 11 ans, je montais des concerts, de la danse, du théâtre. « Spectacle » était véritablement un terme magique qui me faisait rêver. Pour me former professionnellement, je suis allé dans différentes directions. Par exemple, j’ai commencé par le théâtre. Je ne désirais pas devenir comédien mais connaître un peu mieux ce milieu. Le théâtre m’a permis d’appréhender différemment la danse, je pense à la mise en scène, à la direction d’acteur sur des danseurs ce qui influence mes chorégraphies. J’ai fait l’école du cirque avec Sylvia Monfort, j’ai travaillé au cours Simon, je suis ensuite venu à la danse : classique, moderne et jazz. J’ai toujours refusé les étiquettes : ma curiosité avant tout.
A mes yeux, un danseur qui ne fait que de la gestuelle n’a rien d’intéressant : il est primordial de lui donner une identité, un rôle un personnage qu’il exprime à travers la danse. C’est pour ça que mes créations diffèrent de celles de chorégraphes purs et durs qui ne travaillent que dans le mouvement.
Devenir danseur est-il facile aujourd’hui ?
Je viens de Montargis dans le Loiret. Il était difficile de commencer la danse en province, tout simplement parce qu’il y avait très peu de cours. Je me souviens être allé avec ma mère au cours de danse de la ville. Sur la porte, une plaque indiquait : « Pour jeunes filles et dames ». Nous avons donc fait demi-tour… La situation a sans doute un peu changé aujourd’hui mais pas tant que ça. Je donne des cours et des stages un peu partout. Pour 60 filles, on trouve un ou deux garçons. Un garçon qui veut devenir danseur trouve sans aucun problème du travail, même s’il n’est pas extraordinaire. En revanche, une fille doit être excellente car la compétition est rude. Faire de la danse pour un garçon n’est pas encore entré dans les moeurs. Je connais beaucoup de professeurs en province qui accueillent de jeunes garçons à leurs cours. Les enfants adorent ça mais arrêtent à l’adolescence à cause des préjugés. On préfère faire du foot comme le copain plutôt que se différencier en faisant de la danse. C’est une question de mentalité.
Quels sont les repères de votre parcours ?
A 23 ans j’ai monté la compagnie Why not, j’étais sur scène avec mes danseurs. Très vite, j’ai arrêté de danser pour diriger et chorégraphier. La compagnie a duré 10 ans, ce fut la première compagnie de jazz subventionnée par le Ministère de la Culture, la première à entrer dans de nombreux festivals. Ce fut une expérience formidable. Après toutes ces années, j’en ai eu marre. Beaucoup de pression, de fatigue. J’ai arrêté alors que la compagnie était au top. Le Ministère m’avait proposé une année sabbatique à condition que je monte une création. J’avais besoin de liberté, j’ai tout refusé et suis parti en Inde, j’ai une passion pour ce pays. Une fois rentré, je me suis retrouvé sans rien, à reprendre des cours, à relativiser, à réfléchir à ce que je pourrais faire d’autre.
J’ai arrêté environ 7 ans et suis revenu avec un spectacle que j’ai écrit et mis en scène de A à Z : La mère qu’on voit danser, une toute autre expérience qui m’a permis d’introduire l’humour à travers la danse. Tout ce qui m’est arrivé par la suite a découlé de ce spectacle. J’ai rencontré Sylvie Joly. Elle m’a proposé de travailler pour elle. J’ai eu envie de monter une revue dans laquelle elle serait meneuse : C’est tellement Joly. C’était un rêve pour elle qui est devenu réalité. Nous avons présenté à Mogador un showcase avec 95 personnes sur scène, une folie ! Ce fut un moment magique. Le spectacle sera repris sous une autre forme. J’écrirai avec sa soeur des textes qui alterneront avec des chansons. Sylvie possède un répertoire qu’elle n’a jamais chanté ni enregistré, composé de pures merveilles. Les chansons collent avec son personnage, avec cet humour décalé. Sylvie danserait également : une vraie comédie musicale en somme… en conservant l’aspect revue, clin d’oeil inclus.
2000 fut une année particulière pour vous.
Cette année j’ai eu la chance incroyable d’enchaîner des productions qui m’ont toutes intéressé. L’année 2000, je l’ai commencé sur scène pour présenter un spectacle événementiel sur le cinéma, ensuite j’ai présenté La mère à partir du 19 janvier pendant deux mois et demi au Lucernaire. Tout de suite après j’ai monté une création, Zapping, que je vais reprendre et développer. Ce spectacle évoque l’évolution de la danse de Louis XIV au hip hop version comique. En accord avec le Ministère, je vais développer ce spectacle en ajoutant un peu de chant pour le présenter à Paris. On retrouve toutes les grandes tendances de la danse ainsi que tous les grands personnages, de Nijinsky à Gene Kelly. On voit Les demoiselles de Rochefort se faire attaquer par West Side Story… C’est très drôle et très grand public. Ensuite la revue C’est tellement Joly à Mogador, Johnny Hallyday, Ali Baba puis L’air de Paris. Un an de bonheur…
Comment travaillez-vous vos chorégraphies ?
Pour la gestuelle, l’atmosphère de la musique me guide. Je n’écoute pas inlassablement un morceau : je préfère réagir instinctivement. Je n’aime pas préparer, décortiquer : je privilégie la spontanéité, comme si j’étais guidé par quelqu’un. Je travaille avec une assistante, très habituée à ma manière de fonctionner. Je fais les choses, elle mémorise et retient ce qu’elle voit. C’est comme cela que j’ai fait pour ma compagnie ou pour Ali Baba. Apprendre le mouvement avec les comptes aux danseurs m’ennuie. Je ne suis pas assez dans le mouvement pour cela, j’ai tout de suite envie d’aller plus loin. J’aime faire travailler les danseurs la qualité et surtout l’interprétation. La collaboration me motive : cette méthode me convient parfaitement.
Quelles sont les différences dans votre travail entre L’air de Paris et Ali Baba ?
Le travail entre ces deux spectacles est différent car ce sont deux familles distinctes. Les dix personnes pour L’air de Paris ont des rôles bien définis. Les danseurs engagés ne l’ont pas été par moi, j’étais à Toulon. Même si je les connaissais, c’est le metteur en scène qui les a choisis. Ils n’avaient pas forcément travaillé avec moi. Il a fallu que nous nous adaptions les uns aux autres. Certains sont des chanteurs comédiens, certains ont été danseurs mais n’avaient plus envie de danser. Mon rôle a été de leur redonner l’envie, un beau défi. J’ai apporté mon humour et ma dérision pour éviter les clichés liés aux chansons de Paris.
Pour Ali Baba, je me suis occupé intégralement du casting. Je connaissais par coeur le parcours des vingt danseurs que j’ai engagé. Ce fut facile de faire des ballets d’ensemble car tous avaient une écoute, une facilité de captation. J’ai également pu demander à Fabrice Aboulker de composer des musiques pour la danse.
Avez-vous eu des rencontres primordiales dans votre vie ?
Une rencontre avec Pierre Palmade a joué le rôle d’un révélateur en me permettant de développer mon humour et ma dérision dans la danse. J’ai monté La mère en pensant à lui tout le temps. D’ailleurs il a été la première personne à le voir. Ce fut comme une véritable audition pour moi. A mes yeux, c’est un vrai auteur et quelqu’un de foncièrement drôle. On peut l’aimer ou pas en spectacle, c’est autre chose. Depuis, je mets de l’humour dans tout ce que je fais. Cet artiste m’a apporté beaucoup de choses. Par ailleurs, j’aime profondément Sylvie (Joly). Elle est simple, touchante, émouvante, en résumé elle est « vraie » et son talent est immense. Elle aime Le défunt d’Obaldia, j’aimerais lui proposer de la mettre en scène avec Manon Landowski. J’ai aussi beaucoup de tendresse pour Manon. Une belle rencontre artistique, nous avons envie de faire des choses ensemble. Ce serait ma première mise en scène de théâtre pour un texte que je n’ai pas écrit. Mais ce projet ne pourra voir le jour que dans… un bon moment, en raison des emplois du temps des uns et des autres. Cela n’empêche pas de commencer à y travailler dès à présent.
Revenons à La mère qu’on voit danser
Le metteur en scène d’Ali Baba cherchait un chorégraphe qui met en scène les danseurs. C’est en voyant mon spectacle qu’il m’a choisi. La mère a vécu pendant trois ans, de reprise en reprise. Le spectacle montre trois femmes qui parlent de leur mère disparue et, comme des enfants, s’en réinventent une. Ce qu’il faut savoir c’est qu’il y aura deux versions du spectacle. La première telle qu’on la connaît avec les personnages entre 30 et 40 ans mais aussi une version différente avec des femmes plus mûres. Je trouve très émouvant d’entendre ces gens là parler de leurs mères. En plus j’ai une profonde admiration pour les comédiennes de cette génération qui ont, pour la plupart, connu le music-hall. Elles sont familières du chant, de la danse… On n’a pas cela aujourd’hui. Des Ginette Garcin, des Annie Cordy ou Line Renaud me fascinent. On pourrait même considérer voir ces personnages « jeunes », cela me permettrait d’incorporer davantage de danse. Le spectacle est en effet très visuel. On peut faire un travail sur le souvenir. Tout un travail d’écriture m’attend, je suis très motivé. La pièce initiale sera reprise de toute façon prochainement.
Quels sont vos projets immédiats ?
Partir trois semaines en vacances à Bali et revenir en pleine forme ! il faut savoir prendre du temps pour réfléchir. Je n’aime pas la précipitation. Je commencerai à mon retour la version théâtre d’Ali Baba, en accord avec le metteur en scène. Le show va se remonter, dans un premier temps pour la Corée du Sud en juillet puis pour le Canada. Et bientôt Paris…