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Broadway, bilan de la saison 2006 — Un cru à classer

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Tony Award ©DR
Tony Award ©DR
Ce 11 juin avait lieu au Radio City Hall, à New Yok, la céré­monie de remise des Tony Awards, équiv­a­lents des Olivi­er Awards de West End (Lon­dres) et, plus loin­taine­ment, des Molières français. L’in­térêt du pub­lic est suff­isam­ment intense de ce côté-ci de l’At­lan­tique pour que l’événe­ment soit retrans­mis en direct, sur la chaîne hertzi­enne CBS. C’est générale­ment une occa­sion unique de voir des extraits des musi­cals à l’af­fiche par les troupes orig­i­nales, puisque les accords syn­di­caux sur Broad­way inter­dis­ent la dif­fu­sion d’im­ages des spec­ta­cles ; un seul enreg­istrement vidéo inté­gral est réal­isé et soigneuse­ment archivé au Lin­coln Cen­ter, pour l’His­toire ! Si l’on ajoute les appari­tions excep­tion­nelles de Julia Roberts, qui tient la vedette dans Three Days Of Rain pour quelques jours encore, et de Oprah Win­frey, la célèbre ani­ma­trice de talk-show aus­si riche en fans qu’en dol­lars et qui co-pro­duit The Col­or Pur­ple, on com­prend que l’au­di­ence bat­te des records cette année : 9 mil­lions de téléspectacteurs.

Du fait des désas­tres annon­cés pour les mastodontes financiers Tarzan (Dis­ney — Phil Collins) et Lestat (Warn­er Bros — Elton John) nom­inés cha­cun une ou deux fois seule­ment dans des caté­gories de sec­ond rang, le sus­pense promet­tait d’être intense. De fait, cette année, il y eut de nom­breuses surprises.

On attendait un raz-de-marée de récom­pens­es pour The Drowsy Chap­er­one, cette char­mante satire des opérettes des années 20 qui cumule orig­i­nal­ité, humour, quelques belles scènes de revue et… 13 nom­i­na­tions ! Le show est une créa­tion récente cana­di­enne par un cer­tain Bob Mar­tin, dont l’idée ini­tiale était de faire un cadeau de mariage en musique met­tant en scène sa pro­pre femme. Pour finir, c’est lui qui joue le per­son­nage prin­ci­pal sur Broad­way et qui reçoit une nom­i­na­tion pour le meilleur pre­mier rôle dans une comédie musi­cale, alors qu’il ne chante même pas ! Ce n’est donc que jus­tice qu’il ne con­cré­tise  » que  » le Tony du meilleur livret. Le show, en tout, récolte cinq stat­uettes, dont la meilleure par­ti­tion et le meilleur sec­ond rôle féminin pour Beth Leav­el qui inter­prète le  » chap­er­one « , mais il manque le titre suprême de meilleur musical.

En effet, Jer­sey Boys lui rafle la mise. Il faut dire que le spec­ta­cle reçoit égale­ment un suf­frage appuyé du pub­lic new-yorkais puisqu’il est  » sold-out  » depuis la pre­mière, en novem­bre 2005. Mais il se dis­ait dans le cer­cle des ini­tiés que jamais un juke­box musi­cal qui reprend le réper­toire com­plet d’un artiste, en l’oc­cur­rence les Four Sea­sons, et qui plus est ressem­ble plus à un con­cert yéyé entre­coupé d’in­ter­ludes nar­rat­ifs qu’à un véri­ta­ble spec­ta­cle théâ­tral, ne pour­rait être sacré meilleur musi­cal. C’est donc un résul­tat sur­prenant pour les puristes, mais logique pour le pub­lic. La troupe est, elle aus­si, large­ment récom­pen­sée : John Loyd Young et Chris­t­ian Hoff reçoivent respec­tive­ment les Tonys des meilleurs pre­mier et sec­ond rôles masculins.

Pour les deux derniers titres pres­tigieux, meilleur pre­mier rôle féminin et meilleur revival, Sweeney Todd était don­né large­ment favori. Dans cette extra­or­di­naire mise en scène épurée, haute­ment sym­bol­ique et offrant tout l’e­space à la musique presque lyrique de Sond­heim, Michael Cerveris et Pat­ti LuPone, tous deux nom­inés et déjà tit­u­laires d’un Tony, font une paire admirable sus­ci­tant une  » stand­ing ova­tion  » à chaque représen­ta­tion. Le reste de la troupe la mérite tout autant ; les acteurs inter­prè­tent leur rôle, chantent et com­posent eux-mêmes l’orchestre dans une alchimie de com­pé­tences rare et réal­isée à la pefec­tion. Mais les Tonys con­voités vont à LaChanze pour sa presta­tion dans The Col­or Pur­ple (ouf ! Oprah ne se sera pas déplacée pour rien) et à The Paja­ma Game, dont Regard en coulisse avait déjà van­té les mérites dès le mois de févri­er. Le show, lui aus­si  » sold-out  » depuis ses débuts, devrait jouer les pro­lon­ga­tions après l’été, sans Har­ry Con­nick Jr. toute­fois, ce qui n’est pas si grave. Enfin, les deux revivals se parta­gent les Tonys pour la mise en scène et l’orches­tra­tion (Sweeney Todd) et pour la choré­gra­phie (The Paja­ma Game).

Il reste à men­tion­ner The Wed­ding Singer, grand per­dant de la pro­mo­tion 2006 puisqu’il ne con­cré­tise aucune de ses cinq nom­i­na­tions. Ce show est le remake en musique d’un film d’assez moyenne qual­ité de 1998 avec Adam San­dler et Drew Bar­ry­more ; il surfe sur la notoriété de Stephen Lynch, un réguli­er de la chaîne Come­die Cen­tral qui pousse aus­si la chan­son­nette et attire de très nom­breux jeunes fans. Les références aux années 80, explicites ou sub­lim­i­nales — un véri­ta­ble jeu de piste pour les nos­tal­giques — et les scènes bur­lesques en font un spec­ta­cle plaisant, sans pré­ten­tion, d’un bon rap­port qual­ité-prix si l’on prof­ite des tar­ifs réduits qui risquent bien de per­dur­er jusqu’à la fermeture !

Au final, comme à une cer­taine époque le dimanche à la télé, on a vrai­ment envie de déclar­er que tout le monde a gag­né ! Jer­sey Boys et The Paja­ma Game ont lit­térale­ment fait explos­er le box-office cette année, mais Sweeney Todd et The Drowsy Chap­er­one auront égale­ment mar­qué la sai­son cha­cun à leur manière : per­for­mance et originalité.

Nos recom­man­da­tions pour garder un sou­venir de la sai­son 2006:
*** Sweeney Todd [Broad­way Cast 2006]
** The Drowsy Chap­er­one [Orig­i­nal Broad­way Cast]
** Jer­sey Boys [Orig­i­nal Broad­way Cast Recording]
* Har­ry on Broad­way, Act 1 [The Paja­ma Game, Broad­way Cast 2006]
* The Wed­ding Singer [Orig­i­nal Broad­way Cast Recording]