
Le matin même il était en réunion pour évoquer la cérémonie d’ouverture de l’Euro 2016 au Stade de France pour laquelle il a été approché. Dans quelques semaines, il officiera pour l’élection de Miss France sur TF1. Mais n’allez pas croire que Stéphane Jarny cherche à tout prix la lumière. Courir après les projecteurs ne l’intéresse pas ; sauf peut-être, depuis quelques jours, ceux des Folies Bergère. L’homme y a pris ses quartiers d’hiver pour la troisième année consécutive, et avec lui toute la troupe de son nouveau spectacle. Après avoir signé dans cette même salle deux des plus gros cartons de ces dernières années (S.L.C. et D.I.S.C.O.) c’est au cœur des répétitions de Love Circus, que l’on retrouve le metteur en scène, presque surpris que l’on s’intéresse à lui. «J’ai un parcours qui répond à une espèce de hasard depuis le début. En fait, je n’ai jamais eu la volonté d’être chorégraphe, tout s’est fait progressivement. J’ai commencé simple danseur à 18 ans. Après les cours du chorégraphe Redha, j’ai très vite intégré sa compagnie, alternant spectacles et prestations télévisées. Je suis ensuite devenu assistant de Kamel Ouali sur ses premières grosses productions, avant que l’on me propose de travailler pour toutes les émissions de Michel Drucker, ce qui dure depuis quinze ans». Coach scénique sur Nouvelle Star durant huit saisons, il y retrouve Dove Attia alors en pleine préparation de Dothy et le magicien d’Oz au Grand Rex. « Marie Facundo tenait le rôle-titre. C’est le premier spectacle pour lequel j’ai réalisé le coaching et la mise en scène, début 2009.»
Mais la rencontre qui va tout changer c’est celle avec Jérôme Langlet. Un beau jour, le président de la toute nouvelle entité de production L.U.L.E. «Lagardère Unlimited Live Entertainment» contacte le metteur en scène. «Jérôme avait une salle, une marque, et une envie de spectacle. Il m’a dit : ‘Que me proposes-tu ?’ ». La salle ce sont les Folies Bergère, et la marque, ‘Salut les Copains’. Ignorant ceux qui lui prédisent l’échec «N’y vas pas, c’est ringard à mort !», Stéphane Jarny n’hésite pas et fonce. Il s’entoure d’Agnès Boury et de Stéphane Laporte qui lui écrivent un livret, rassemble une troupe et donne naissance à S.L.C. Le musical. Le succès est au rendez-vous, entrainant un nouvel appel de L.U.L.E. « J’avais cette fois carte blanche, je leur ai alors proposé D.I.S.C.O. ». Les mêmes ingrédients produisant les mêmes effets, le show fait salle comble, jouant même les prolongations. En quelques mois, 180 000 spectateurs se pressent pour célébrer Gloria Gaynor et les Village People.
La question se pose alors de poursuivre sur cette lancée et cette thématique. « Après les années 70 et 80, nous aurions pu aisément enchainer sur la décennie 90, ou même ‘les années top 50’. L’idée nous a traversé l’esprit, mais cela aurait été se réfugier dans la facilité. Nous avons préféré partir vers un autre univers, et créer de toutes pièces un spectacle ». Un pari un peu fou mêlant chansons et numéros de circassiens: « Jusqu’à présent, on avait du chant, de la danse et de la comédie. Cette fois, j’ai voulu proposer quelque chose d’encore plus visuel. Depuis que je suis enfant, l’univers du cirque et de la magie me sont très chers. L’un des meilleurs spectacles que j’ai vus à Broadway, c’est Pippin, (de Stephen Schwartz et Bob Fosse) qui intègre l’art du cirque à un musical. Je l’ai trouvé fabuleux. Je pourrais aussi citer Moulin Rouge ou le Plus grand chapiteau du monde. Mon idée c’est tout cela à la fois : inviter le public dans un univers féérique, un cabaret surprenant et tenter quelque chose d’inédit, impressionnant et poétique ».

Et le voilà donc en pleine répétition, à la tête de son Love Circus à bord duquel il a embarqué ses fidèles : Le tandem Boury/Laporte pour l’écriture, -«Avec Agnès, on se fait rire, on se comprend, on se complète. Elle amène une vraie dynamique de théâtre et d’humour»- Lola Cès, Alexandre Faitrouni, Vincent Heden, Fanny Fourquez, Aurore Delplace et Sofia Mountassir pour la scène. « La plupart m’ont dit oui sans même avoir lu le livret, sans connaitre la teneur de leur rôle. » Ici, l’esprit de famille n’est pas qu’une expression, certains artistes en sont à leur troisième participation aux côtés du chorégraphe : «Leur engagement et leur confiance me touchent. Depuis trois ans, on a construit quelque chose et nous avions tous envie de nous retrouver.» Nouveaux venus, Golan Yosef et Maximilien Philippe complètent cette distribution. Le finaliste de The Voice au timbre rocailleux était encore totalement inconnu lorsqu’il a passé le casting. « Nous avons eu immédiatement un coup de cœur pour lui, sans imaginer un instant qu’il allait enchainer les primes. Les enregistrements de l’émission n’avaient d’ailleurs même pas débuté » précise Jarny. « Ce mélange de personnalités au parcours très différent, qui ont chacune leur univers, me plait. Moi je ne fais qu’ajouter de l’emballage, mais ils n’en ont pas besoin pour être de vrais artistes. »
Des artistes qui interprèteront durant deux heures, de grandes chansons d’amour et des standards, connus de tous. « J’aime l’idée que les spectateurs, dès les premières notes de musique soient embarqués dans un souvenir». Lui fait-on remarquer qu’il n’y a pas de création musicale ? «Certes, mais tout le reste est création ! L’histoire, les dialogues, le livret, cette ambiance ! Et nous avons effectué un vrai travail d’arrangements, de réorchestration, d’attribution de couleur musicale sur chaque morceau, des titres que des décennies séparent. Certains ont même été complètement détournés de leur version originale. » Réenregistrés cet été, Stéphane Jarny les a choisi selon trois critères : le rythme du spectacle, le déroulement de l’histoire, et surtout la rencontre avec l’interprète, « J’ai envie que ça colle au plus juste pour chacun, je cherche à faire du sur-mesure » sourit-il.
Restait à dénicher des circassiens. Qui ne courent pas les rues. Stéphane Jarny n’a pas hésité à regarder au-delà de l’atlantique comme pour le québécois David Girard, un as du trampoline, qu’il a recruté à distance. « En voyant des vidéos de lui, j’ai immédiatement décidé de le prendre. C’était indispensable ! Il est arrivé du Canada la veille des répétitions le 17 août dernier, c’est là que je l’ai rencontré pour la première fois !». Sa prestation de trampo-mur laisse sans voix. Trois autres acrobates évolueront à ses côtés à plusieurs mètres de hauteur, sur de grandes structures surplombant la scène: l’équilibriste Tiago Eusébio, et les champions du mât chinois Vincent Maggioni ainsi que Simon Heulle, popularisé par l’émission Incroyable talent, « un hasard total, je ne regarde pas la télé » avoue Stéphane Jarny.
Le filage se poursuit avec une succession de tubes et de performances physiques dans un décor «Piste aux Étoiles». On se croirait sur une place de village un jour de foire, les paillettes en plus. Certains chanteurs se retrouvent même dans des situations inattendues, qui valent le détour… Ne manquent plus que le public et ses applaudissements. Tous entendent bien le surprendre et remporter ce nouveau pari, plus costaud que les précédents, dont le titre à lui seul, sonne comme un mystère. « Love Circus n’évoque rien à personne. Avec S.L.C., le public savait ce qu’il allait voir, avec D.I.S.C.O. également. Là, c’est l’inconnu total pour les spectateurs. Je le sais. Mais j’ai une confiance totale dans toutes les équipes » glisse Jarny. Fier de ses troupes, l’homme n’en reste pas moins lucide : « Aujourd’hui les temps sont difficiles. S’offrir une place de théâtre est un vrai investissement. » Dans la bouche de l’ancien gamin des HLM, le propos n’est pas anodin. Et l’on comprend alors son exigence : « C’est une obligation pour nous d’offrir quelque chose de qualité, de rendre les gens heureux. De faire qu’ils repartent avec le sourire, avec de l’émotion, de l’émerveillement et qu’ils se disent ‘pendant deux heures, j’ai voyagé’. C’est mon pari. »
Comme un reflet de la scène, l’homme a des étoiles plein les yeux. Son navire larguera les amarres le 28 octobre. Le chorégraphe a d’ores et déjà prévenu: « l’année prochaine, je fais un break… enfin, peut-être ! » Pour l’heure, Stéphane Jarny peaufine, corrige et met la dernière main à son spectacle, derrière un projecteur des Folies Bergère. Dans l’ombre. On ne se refait pas…

Love Circus — la comédie musicale
A partir du 28 octobre 2014 aux Folies Bergère
www.love-circus.fr