Arturo Brachetti, l’homme aux mille visages

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Un spec­ta­cle mis en scène par Serge Denon­court avec Arturo Brachetti.

Avec plus de 100 000 spec­ta­teurs et un Molière, Arturo Bra­chet­ti est incon­testable­ment la révéla­tion de l’an­née 2000. Il revient à Mogador jusqu’à la fin de l’an­née. Voici la cri­tique que nous avions pub­liée lors de son pas­sage au print­emps dernier.

C’est au Par­adis Latin de Jean-Marie Riv­ière qu’Ar­turo Bra­chet­ti a démar­ré et appris son méti­er. Quelques années plus tard, alors qu’il est devenu une véri­ta­ble star en Ital­ie son pays d’o­rig­ine, après avoir tri­om­phé en Alle­magne et au Cana­da, il revient dans la ville de ses débuts. Après deux mois à guichets fer­més au théâtre Marigny, le temps d’une petite pause durant laque­lle il est par­ti tourn­er dans une sit­com à Hol­ly­wood, il reprend jusqu’à mi-juin au théâtre Mogador son show époustouflant.
On ne sait trop com­ment le définir puisqu’il est tout à la fois trans­formiste, magi­cien, clown, poète et comédien.Avouez qu’un type habil­lé en ranger cana­di­en qui se méta­mor­phose en une sec­onde en grosse abeille, ce n’est pas com­mun ! Digne suc­cesseur de Fré­goli (célèbre trans­formiste ital­ien du début du siè­cle), il enchaîne durant tout le spec­ta­cle un nom­bre impres­sion­nant de trans­for­ma­tions dans des tableaux hauts en couleurs. La scène de west­ern dans un saloon où il inter­prète à lui seul les six per­son­nages qui s’in­ter­pel­lent, se tirent dessus et appa­rais­sent par­fois par­tielle­ment en même temps (!) est cer­taine­ment l’une des plus incroyables.
Pas­sion­né de ciné­ma, il rend deux beaux hom­mages. L’un au ciné­ma hol­ly­woo­d­i­en où il est tour à tour King Kong, James Bond, Bogart/Bergman dans Casablan­ca, Ester Williams dans un bal­let aqua­tique, Scar­lett dans Autant en emporte le vent. Il nous offre aus­si quelques scènes d’an­tholo­gie de comédies musi­cales en étant Julie Andrews (La mélodie du bon­heur), Liza Min­nel­li (Cabaret) et Gene Kel­ly (Chan­tons sous la pluie). L’autre hom­mage est ren­du de manière fort émou­vante à Felli­ni : dans une atmo­sphère que n’au­rait pas reniée le grand mae­stro, Bra­chet­ti est suc­ces­sive­ment le clown de La dolce vita, un nain qui se trans­forme en géant… Ce tableau visuelle­ment très réus­si se ter­mine par le pas­sage sur scène du bateau de Et vogue le navire !
Il y a un fil con­duc­teur à ce spec­ta­cle. Avec l’ac­cent ital­ien, la gestuelle et la gouaille qui l’ac­com­pa­g­nent, Arturo Bra­chet­ti nous racon­te son his­toire et par­ti­c­ulière­ment son enfance avec beau­coup de sen­si­bil­ité, d’hu­mour et de nos­tal­gie. Il se sert pour cela de séquences filmées pro­jetées sur scène dans lesquelles il inter­prète aus­si bien sa « mam­ma » que le curé de son vil­lage. Dom­mage pour­tant que la mul­ti­pli­ca­tion de ces séquences casse un peu le rythme du spectacle.
Ce n’est pas qu’un show de trans­formisme. Arturo Bra­chet­ti nous offre aus­si d’autres beaux moments de magie et de rêve comme par exem­ple cette très jolie et poé­tique évo­ca­tion des qua­tre saisons et cet exer­ci­ce très réus­si d’om­bres chi­nois­es. Jusqu’au final où il nous réserve un dernier coup de théâtre qui rap­pellera cer­taine­ment aux ini­tiés la dernière scène de la comédie musi­cale Le fan­tôme de l’Opéra.
Avec un tal­ent et un charisme incon­testa­bles, Arturo Bra­chet­ti réus­sit là une impres­sion­nante per­for­mance. Durant tout le spec­ta­cle, on se pose tous la même ques­tion : mais com­ment fait-il ? A la réflex­ion, il vaut mieux ne pas le savoir, les occa­sions de rêver et de s’émer­veiller comme des gamins sont trop rares alors ne gâchons pas notre plaisir.