Le 13 avril a ouvert au Théâtre Novello la nouvelle production de Cameron Mackintosh : une comédie musicale porcine : Betty Blue Eyes. Basée sur le film A Private Function, écrit par Alan Benett, avec Michael — Monty Python — Palin et Maggie Smith, le récit se déroule dans l’Angleterre de 1947, encore soumise aux rationnements de nourriture. Alors que le pays se prépare à célébrer le mariage royal (enfin, celui d’Elizabeth, en 1947…), les notables d’une petite ville ont prévu un banquet pour 150 personnes. Mais les victuailles sont encore rationnées et notamment la viande. Betty, un porc élevé en douce chez un fermier, doit servir de plat de résistance. Mais ses yeux bleus vont provoquer des ravages… Les héros sont Gilbert (Reece Shearsmith), podologue timide, rêve de s’établir dans la rue principale. Pour l’heure il soigne les pieds des femmes en se rendant chez elles. Sa femme, l’arriviste Joyce (Sarah Lancashire, formidable), fera tout pour arrêter de donner des leçons de piano, faire partie de ces notables et, enfin, « être quelqu’un ». Et elle a faim. Alors lorsqu’il s’agit de voler Betty, elle ne peut qu’encourager son mari dans cette entreprise… Le ministère de la viande, par l’intermédiaire de l’inspecteur Wormold (Adrian Scarborough, juste hilarant), un de ses fonctionnaires les plus zélés, veille au grain : il traque partout les morceaux de viande illégaux qu’il peint en vert (en fait il avoue sa frustration : il aurait aimé être peintre).
Quelle bonne surprise ! Ce musical so British ne cherche pas à révolutionner le genre, mais plutôt à rendre hommage à un glorieux passé musical. Et il y parvient. Sur une trame simple, drôle et touchante, les auteurs Ron Cowen et Daniel Lipman (Américains… Ils ont adapté la série britannique Queer as folk pour le public yankee) n’y sont pas allés de main morte sur les rebondissements, les jeux de mots et brossent des personnages irrésistibles, parfaitement bien incarnés par un casting sans faille. Les chansons, écrites par Anthony Drewe et composées par George Stiles, se réfèrent elles aussi au passé. Les mélodies qui participent de l’élan parodique de l’ensemble de l’oeuvre, accrochent l’oreille. La mise en scène de Richard Eyre, avec ses décors figuratifs, ne se prend elle aussi jamais au sérieux. Durant l’adaptation, un humour grinçant a été en partie abandonné au profit du dynamisme. Le sort de Betty, « on stage », est plus enviable que celui de la Betty du film… Sans temps mort, ponctué par des scènes de comédies pures (le quiproquo qui voit la belle-mère de Gilbert penser que c’est d’elle et non pas d’un cochon que l’on parle, vaut son pesant de spam), des chorégraphies qui swinguent, des tableaux irrésistibles (Wormold évoque sa vocation contrariée dans un numéro très drôle). Bref, jusqu’au final de ce combat entre « ham » et « spam » (jambon contre… spam, sorte de succédané de viande en boîte immangeable), le plaisir est total avec ce musical qui joue à fond la carte du second degré. Une comédie musicale qui risque fort de vous faire devenir végétariens. Courrez ce risque et allez voir ce spectacle énergique et épatant.
Pour en savoir plus et réserver des places, rendez-vous sur le site de Betty Blue Eyes.
En savoir plus sur le spam, le vrai…