Comment avez-vous rencontré Alexandre Bonstein ?
J’ai eu le bonheur de rencontrer Alex sur Zazou, le spectacle de Savary lors de la première version, voilà dix ans. J’ai été déçue de ne pas faire la nouvelle. Il paraît que j’étais trop vieille. Cela m’aurait plu de retravailler avec tous les amis que j’ai connus à cette époque et qui eux, manifestement, n’avaient absolument pas vieilli. Alex m’a proposé des choses formidables après Zazou. J’ai fait beaucoup de spectacles en Suisse grâce à lui. Je dois beaucoup à Alex, mais je dois aussi un peu à Jérôme Savary de me l’avoir fait rencontrer.
Quand avez-vous entendu parler de Créatures pour la première fois ?
Alex a dû me parler de Créatures il y a six ans, environ un an avant la création à New-York. J’ai été tout de suite emballée, évidemment. Je crois qu’il s’est lancé là-dedans parce qu’il était en contact avec un type qui avait une bourse suisse pour aller à New-York pendant six mois. C’était l’occasion pour lui de monter quelque chose là-bas. L’idée, c’était de faire un spectacle avec des bouts de ficelles. Créatures a été créé au moment d’Halloween, nous avons aussi profité de cette atmosphère. À ce moment-là, nous n’étions que quatre comédiens. Je faisais la veuve noire, à l’époque. Le spectacle a évolué parce que de nouveaux acteurs et de nouveaux personnages ont été intégrés. Créatures a ensuite été présenté à Dublin mais je n’ai pas participé à cette aventure parce que je travaillais sur un autre spectacle. Liza Michaël est arrivée à ce moment là.
Quand on pense New York, on pense Broadway et comédies musicales. C’est un domaine qui vous plaisait ?
Oui, je connaissais pas mal de comédies musicales. J’en avais vu à l’époque où je travaillais avec Pierre Naftule, le metteur en scène de la revue suisse. C’est un vrai fan. Comme il était content de ce qu’on avait fait dans son spectacle, il nous avait tous invités à passer dix jours à New-York. Nous n’avions que les spectacles à payer, tout le reste nous était offert. On a vu tous les spectacles qui se jouaient à ce moment-là. D’ailleurs, dans les spectacles de Naftule, on chantait des airs de Broadway dont on changeait les paroles. Alors j’étais vraiment contente de revenir à New York pour Créatures.
C’était exaltant de jouer un musical en même temps que la vingtaine d’autres qui étaient à l’affiche, à l’époque, dans la capitale du genre ?
Oh la la ! C’était tellement off off off Broadway qu’on n’y pensait même pas. C’était une salle minuscule, destinée traditionnellement à exposer des oeuvres, on n’avait pas de micro. Quarante sièges étaient installés pour les spectateurs. C’était un grand espace avec des murs blancs prévus pour des tableaux. On a habillé la salle avec du tissu, on l’a compartimentée pour faire des loges. On passait toute la matinée à chercher des tissus pour faire des costumes, à bricoler les accessoires et l’après-midi on répétait.
Vous chantiez déjà « Ma sorcière mal-aimée » ?
Oui, cette chanson était déjà dans le spectacle. J’arrivais au milieu des gens, je m’asseyais sur leurs genoux. Pour le coup je leur faisais très peur !
Les chansons de Créatures sont de vrais monologues théâtraux. Chaque numéro tient autant du jeu que du chant. Comment avez-vous travaillé cela ?
Il faut savoir que j’ai pris trois cours de chant dans ma vie. La première fois, je suis allée voir Gay Marshall [NDLR : Grizabelle dans Cats à Paris], qui est une très bonne amie d’Alex et une grande chanteuse, parce que j’avais peur, avant de partir à New York, qu’on ne soit pas content de moi, d’être à la traîne. Le deuxième et le troisième cours, je les ai pris avec Richard Cross. C’était juste avant une audition que je voulais absolument avoir mais je ne l’ai pas eue. Je n’ai pas de technique de chant mais si on me dit « fais comme ça à cet endroit là », je le fais. Alex était très pointilleux sur les intentions dans chacune des chansons. D’ailleurs, on peut dire qu’il y a presque une intention par phrase. Il nous demandait d’insister sur la prononciation. Il voulait absolument que tout le texte soit bien audible. Après, il fallait chanter juste, bien sûr, mais l’intention primait.
Vous avez donc une formation de comédienne ?
Oui, j’ai fait le Cours Simon avec Pascal Lievin. C’était un peu spécial. Je n’en garde pas vraiment un bon souvenir. Je suis restée deux ans et puis quand j’ai appris que je ne pouvais pas passer le conservatoire parce que, soi-disant, je n’avais pas d’emploi, je suis partie. Je n’avais pas trop envie de faire une autre école. Mais quand celle de Chaillot s’est montée, son côté pluridisciplinaire m’a séduit. On faisait plein de choses, de l’escrime par exemple, et on avait de nombreux professeurs différents. Et puis, Savary était dans le bureau juste à côté. Je me disais: « avec un peu de chance, il va me repérer ». Finalement, c’est ce qui s’est passé. Du coup, j’ai arrêté l’école.
La dernière fois que nous vous avons rencontrée, c’était à propos des Peines de coeur d’une chatte française.
Une expérience géniale ! Ca faisait longtemps que je n’avais pas travaillé sur un gros spectacle alors j’étais folle de joie. Jouer un chien, ce n’est pas donné à tout le monde et je dois dire que je me suis régalée. J’en ai profité jusqu’au bout. Cette aventure a duré presque deux ans, avec des trous au milieu. On a fait une grosse tournée, puis deux mois à Bobigny. On a joué en Italie, en italien, ce qui fut une expérience vraiment nouvelle.
Qu’avez-vous fait ensuite ?
J’ai presque tout de suite été enceinte. J’ai eu ma petite Jeanne. Je voulais la voir grandir de très près. Alors j’ai pas énormément travaillé pendant cette période. J’ai participé à un film mis en scène par Eric Veniard : Une affaire qui roule. Un très bon film qui n’a pas eu la vie qu’il méritait parce que mal distribué. J’avais seulement un petit rôle de pharmacienne mais j’étais contente de faire partie de cette aventure.
De quoi avez-vous envie pour l’avenir ?
J’aimerais beaucoup que les représentations de Créatures se poursuivent. Deux mois, ce n’est pas assez. On compte énormément sur le bouche à oreille. Pour l’instant ça marche plutôt bien. Sinon, je n’ai pas envie d’un rôle en particulier mais plutôt de travailler avec certaines personnes comme Jerôme Deschamps ou alors au cinéma, avec Caro et Jeunet. Ces artistes ont un univers dont je me sens proche. D’une manière générale, j’ai assez envie de tourner des films parce que je n’ai pas beaucoup d’expérience dans ce domaine. Enfin, j’y ai joué des petits rôles, du genre celle qui meurt au début. Je voudrais aussi faire des choses plus dramatiques mais, avec ma tête de clown, on ne me le propose pas. Ce n’est, sans doute, pas encore le moment. J’aimerais surtout continuer à vivre de ce métier là. Mais avec la nouvelle mouture des Assedic, ce n’est pas gagné !