Antonio, vous jouez dans Mike depuis deux mois. Prenez-vous toujours autant de plaisir chaque soir ?
Chaque représentation est un nouveau départ, le plaisir est toujours là. On trouve des choses différentes chaque soir. C’est la première fois que je joue aussi longtemps dans un théâtre. J’ai beaucoup travaillé avec Alfredo Arias. Là, c’est peut-être un autre public que je rencontre, passionné. Les gens sont vraiment très émus à la sortie. C’est un spectacle plus populaire par le thème, la figure même de Mike.
Comment êtes-vous arrivé sur ce spectacle ?
C’est Thomas Le Douarec qui a contacté mon agent en lui demandant si je pouvais auditionner pour le spectacle. Il y a dix ans, j’avais fait la démarche de le contacter parce que je connaissais son travail et qu’il montait un spectacle au Vingtième Théâtre. J’ai effectué une séance de travail avec lui qui s’est bien passée. Je n’ai pas été pris mais le contact a été intéressant professionnellement. C’est une qualité de Thomas : ses castings sont toujours des séances de travail. On a vraiment l’impression d’aboutir à quelque chose, qu’on soit pris ou non. Il faut croire qu’il se souvenait de moi. Il y avait beaucoup de monde pour le rôle de Manuel. Je pense que j’ai proposé un angle auquel il ne s’attendait pas, qui n’était pas seulement un personnage déluré, rigolo, coloré. J’ai tout de suite essayé d’apporter beaucoup d’humanité à ce rôle.
Justement, parlez-nous de votre personnage de Manuel qui est très remarqué dans le spectacle…
Manuel est le seul vrai ami de Mike. Il est très impressionné par sa beauté et son charisme dès le départ mais il comprend vite qu’il ne se passera rien entre eux. Il y a une vraie tendresse, une fraternité entre les deux. Manuel est un véritable protecteur. C’est la seule personne de confiance sur laquelle Mike peut compter. Au départ, le rôle était beaucoup plus réduit. Il apportait juste une touche comique dans la pièce originale, il entrait de temps en temps pour faire rire et ressortait. J’ai dit à Thomas que ça ne m’intéressait pas de faire la folle et tortiller du cul pour faire rire les gens. Il m’a rassuré et m’a dit que par rapport à ce que j’avais apporté lors des auditions, le personnage allait évoluer. Gadi Inbar, l’auteur, a écouté une lecture, il a écrit une petite scène en plus, Thomas a ajouté aussi du texte. J’ai également fait des propositions ; Thomas était très preneur à chaque fois. Tout en dirigeant, il m’a donné une grande liberté dans la création du personnage. C’était une façon différente et très intéressante de travailler pour moi.
Y a‑t-il une scène sur laquelle vous vous êtes particulièrement impliqué ?
Thomas avait envie que je chante « Viens ce soir » éventuellement avec Mike mais j’avais beau l’écouter, cette chanson ne m’inspirait rien. Je me suis demandé ce qu’on pouvait faire pour que cette chanson ait un sens. Comme le personnage est danseur et que c’est un moment où il veut raviver un peu Mike qui est à l’hôpital, j’ai eu l’idée de tenter plusieurs danses, un tango, une bossa nova, puis une valse. Le côté danseur dans la chanson, ça a amusé Thomas. Les musiciens étaient ravis de sortir du côté variété de la chanson. C’est comme une parenthèse dans cette tragédie, un vrai numéro de comédie musicale. J’aime beaucoup toute la séquence d’ailleurs : la scène de comédie, la chanson et le ballet avec toute la troupe. C’est un moment vraiment jubilatoire parce qu’on est tous sur scène.
Avec ce genre de rôle, on peut vite tomber dans la caricature…
C’est justement ce qui m’a passionné, de trouver comment je pouvais jouer un personnage complètement « folle » , exubérant, sans que ce soit une caricature. J’étais conscient qu’il y avait ce danger. C’est passionnant pour un comédien. C’est toujours limite, c’est très tentant de pousser tout le monde à rire. Cela m’a intéressé de créer ce personnage déluré sans que ça tourne à la Cage aux Folles.
Auriez-vous une anecdote à nous raconter ?
Il y a une chose très drôle qui s’est passée un soir au moment où les fans viennent de la salle, envahissent la scène et se jettent sur Mike. Une dame âgée du premier rang est montée sur scène aussi ! Quand je l’ai vue, j’ai eu un petit moment de panique. Elle avait un sourire tellement sympathique. Je lui ai indiqué par où elle devait sortir. Un autre soir, pendant la scène de la loge, j’ai glissé au moment où je crie en voyant Dominique, on aurait dit que c’était fait exprès ! Je me suis retrouvé le cul par terre et les pattes en l’air. Situation embarrassante mais on a tous eu un sacré fou rire !
Vous avez un projet personnel qui vous tient à cœur, Tempo Tenco, un spectacle sur Luigi Tenco. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est un spectacle que j’ai présenté il y a deux ans dans le cadre du festival Diva à la Péniche Opéra. Mon agent, très attachée à ce spectacle, est en train d’organiser une production pour pouvoir le monter à Paris. C’est un spectacle que j’ai écrit et créé avec Mathieu El Fassi, comédien et pianiste merveilleux. J’ai découvert Luigi Tenco en tournant pour la télévision le biopic sur Dalida dont il a été l’amant. Quand j’ai écouté ses chansons, je suis resté bouche bée. Il était extrêmement engagé politiquement et culturellement. Il s’est suicidé à 29 ans en laissant un patrimoine musical italien magnifique. Il a laissé aussi une centaine de textes plus beaux les uns que les autres. Avec Mathieu, nous avons réarrangé beaucoup de chansons et intégré ces textes parlés en français.
Vous avez joué dans six spectacles d’Alfredo Arias. Avez-vous d’autres projets ensemble ?
Je vais continuer à travailler avec Alfredo, c’est certain. Je vais déjà participer à la tournée de Tatouage, la dernière pièce qu’il a créée au Théâtre du Rond-Point. Il y a une sorte de plaisir, de challenge, à se retrouver à chaque fois. C’est quelqu’un que j’admire et qui m’a énormément donné. Il a été très généreux dans les rôles qu’il m’a confiés.
Avez-vous d’autres envies artistiques ?
J’ai une grande envie de mettre en scène. Je pense que je commence à avoir un œil suffisamment critique. J’ai envie de créer quelque chose avec une troupe. Il y a le cinéma aussi. C’est un milieu plus restreint. Le théâtre, c’est une grande famille ; le cinéma, c’est une grande chance et des moments de contacts. J’ai déjà eu une très belle expérience en tournant dans La vérité ou Presque avec André Dussollier, sous la direction de Sam Karman. Sam est venu voir Mike, ce n’est pas du tout son univers, il a adoré. C’est sûrement quelqu’un avec qui je tournerai à nouveau.
Que diriez-vous à nos lecteurs pour les convaincre de venir voir Mike ?
Ceux qui, comme moi, ne connaissaient pas Mike Brant seront complètement surpris comme je l‘ai été moi-même. Le meilleur exemple, c’est ma professeur de théâtre, Nita Klein. Elle est à mille lieues de tout ça, elle travaille sur Racine et des textes indiens, et pourtant elle va revenir pour la troisième fois voir le spectacle tant elle est emballée par ce qu’on raconte, par notre énergie, par Grégory Benchenafi et toute la troupe. On se retrouve face à de vrais comédiens qui racontent une histoire terrible et forte. Les chansons de Mike Brant sont totalement imbriquées dans l’histoire. De plus, Karim Medjebeur a fait des arrangements sublimes qui n’enlèvent pas l’âme des chansons mais qui leur donnent plus de punch.
Pour conclure, quelle est votre réplique préférée du spectacle ?
J’aime beaucoup quand je dis à Mike : « Tu es comme les bougies de Hanoucca, on peut les regarder mais pas les toucher. »