

Quel est votre parcours ?
Mon parcours artistique commence par la danse classique, que je débute à cinq ans. De fil en aiguille la passion vient, si bien que lorsque je suis en âge de choisir mes études, je décide de continuer la danse dans une école spécialisée de Liège, ma ville natale. Une scolarité traditionnelle côtoie les cours artistiques, c’est un peu le Fame belge ! Cette formation prépare également des comédiens, des chanteurs, des musiciens. Très vite, je suis immergée dans ce milieu artistique, j’ai pris goût aux autres arts. Je commence alors des cours de théâtre. Puis à 17 ans, alors que je rentre dans le Ballet Royal de Wallonie à Liège, je débute des cours de chant lyrique, sans pour autant trouver immédiatement ma voie, ni même ma « voix » ! En effet, je ne me reconnais pas très bien dans l’interprétation de chants classiques, dans lesquels mon tempérament de comédienne ne peut véritablement s’épanouir.
Je reste six ans dans le corps de ballet. Ensuite, je me dis : « il me faut un vrai métier »… En Belgique, la culture, le spectacle vivant ne sont pas mis en avant. Rapidement, je me suis rendue à l’évidence : seule la scène me plait. Mon professeur d’art lyrique me propose de jouer le rôle de Nanette, dans No, No, Nanette, les gens commencent à me voir dans un autre registre et ne me considèrent plus uniquement comme danseuse mais également comme chanteuse et comédienne. Jean-Louis Grinda m’a ensuite appelée pour tenir un rôle dans Hello, Dolly !. My Fair Lady et La vie parisienne, spectacles mis en scène par Alain Marcel ont suivi. Parallèlement, je joue dans des pièces de théâtre classiques ou contemporaines. Arrêter la danse n’a jamais été une épreuve pour moi : le plaisir de la scène reste présent. Ensuite viennent Chantons sous la pluie et Titanic. Cela m’a permis de continuer mon rêve.
Chantons sous la pluie a marqué un tournant ?
Oui, car lorsque je suis arrivée avec ce spectacle à Paris en janvier 2001, j’ai décidé de m’installer dans la capitale. Je m’épanouis dans cette nouvelle vie avec les gens qui font le même métier que moi, qui vivent la même passion. La danse ne fait donc plus trop partie de ma vie, remplacée par la comédie et le chant. Six mois après mon arrivée, j’ai rencontré mon professeur de chant : Yaël Benzaquen avec qui je travaille maintenant. Grâce à elle, j’ai pu évoluer dans ma pratique du chant. La discipline très sévère liée à la danse peut en effet fermer des portes, la pratique de la danse m’a, dans un certain sens, bloquée psychologiquement.
Je pense que la danse est une excellente école, qui apprend la rigueur, avoir toujours envie, ne pas être perdant, savoir que pour y arriver, c’est dur. Concernant l’évolution concrète d’une formation technique, on a l’habitude en danse de savoir précisément quel muscle tenir pour obtenir une pirouette. Le chant est davantage un « lâcher prise », il faut que le corps retrouve sa nature : le chant est très naturel, la danse l’est un peu moins ! Laisser faire la physiologie comme elle doit le faire. C’est très agréable d’évoluer comme ça et de se dire : « respirons un peu plus, ne gainons plus nos entrailles ! ».
Parlez-nous de votre expérience sur Chantons sous la pluie ?
Une très belle aventure qui a commencé en 1998 à Liège, mis en scène par Jean-Louis Grinda et Claire Servais. On me propose le rôle de Zelda Zanders, la copine très arriviste de Lina Lamont. Zelda annonce à la star du muet qu’elle est en train de se faire doubler dans tous les sens du terme. Un rôle de composition, je ne suis pas du tout peste comme elle ! Ce qui est amusant c’est que trois ans après, je vais reprendre le rôle de Lina Lamont et donc accomplir un peu ce que le personnage de Zelda rêvait. Quelle mise en abîme ! En effet, à partir d’octobre, le spectacle sera rejoué à Massy, juste après les représentations de Simenon. Le succès du spectacle m’a vraiment fait plaisir, nous l’avons beaucoup joué, et nous avons remporté le Molière. On ne pensait pas aller si loin.
Mon petit regret, c’est que Titanic ne soit pas encore arrivé sur une scène parisienne. C’est un tellement beau spectacle. Une belle aventure qui s’est trop vite arrêtée. Certes, la structure, la distribution sont importantes, mais la qualité de l’oeuvre est telle que les risques sont, à mon sens, minimes. Ces deux comédies musicales m’ont permis d’agrandir ma famille du spectacle, j’ai rencontré des gens formidables qui font partie de ma vie. Je suis ravie d’être là, cette nouvelle vie m’enchante.
Et ce nouveau spectacle, Simenon et Joséphine ?
Je suis liégeoise, j’ai donc été au courant de cette création dès le début. J’ai tout de suite prévenu mes parents, qui adorent Simenon. J’avoue que, jusqu’à récemment, je n’avais lu aucun de ses ouvrages, mais bon… J’ai entendu quelques chansons du spectacle, je les ai trouvées formidables. J’ai tout de suite eu le sentiment que les chansons, tant par les textes que les musiques, ont été écrites pour des comédiens qui chantent : dans chacune il y a beaucoup à défendre. Quand j’ai su que je pouvais poser ma candidature pour le rôle de Tigy, l’épouse de Simenon, j’ai commencé à travailler ses deux airs. Je pense que c’est la première fois depuis que je fais ce métier que j’ai eu envie de me battre pour un rôle. Plus je préparais l’audition, plus mon envie d’incarner ce personnage grandissait. Quand on m’a appris que j’allais faire Tigy, j’étais très fière et heureuse. C’est une intellectuelle qui reste toujours humble, sobre. Même lorsqu’elle apprend qu’elle est trahie par l’homme qu’elle aime, elle garde la tête haute. Et puis je suis touchée par son abnégation : elle met de côté sa peinture pour se consacrer entièrement à la carrière de son époux en qui elle croit énormément.
Je suis très admirative du travail de Stéphane Laporte et Patrick Laviosa. Dans les dialogues et dans les chansons, je trouve que les personnages sont cernés, ils possèdent une enveloppe rêvée pour un acteur : comme tout est très bien écrit, c’est un vrai régal que de se glisser dans la peau de chaque rôle. Et puis j’adore l’évocation des années 20, une certaine provocation, un humour très particulier, tout le charme de l’entre deux guerres. Je trouve également intéressant que Simenon soit uniquement un personnage de comédie : il ne chante pas. C’est un pari osé, parfaitement réussi. C’est encourageant de constater que des spectacles de ce genre voient le jour, où les comédiens aient quelque chose à jouer, à défendre. J’ai également hâte de répéter avec l’orchestre, entendre les cuivres, le chorus…
Quel rapport entretenez-vous avec la comédie musicale ?
Je sais que certains « vivent » la comédie musicale car ils ont été plongés dedans depuis tout petit, ce n’est pas mon cas. La danse a pris beaucoup de mon temps, ce fut une sorte de course contre la montre. J’écoutais davantage des opéras, des pièces classiques. C’est à partir des représentations de Hello, Dolly ! que j’ai découvert ce nouvel univers, d’autres voix que les voix classiques auxquelles j’étais habituée. A y bien réfléchir, c’est à ce moment-là que j’ai trouvé ma voie, la comédie musicale m’a ouvert des perspectives d’avenir…
Et pour le futur ?
Tout d’abord je souhaite que Simenon et Joséphine connaisse la même carrière que Chantons sous la pluie ! J’aimerais faire de nouvelles rencontres, jouer au théâtre et au cinéma. J’ai envie de monter un spectacle, seule en scène, pour permettre aux gens de la profession de découvrir davantage mon univers, en alternant littérature et chanson. En résumé, poursuivre mon petit bonhomme de chemin…