Anandha Seethanen, après Lost In The Stars et Cabaret, vous travaillez à nouveau avec le metteur en scène Olivier Debordes pour L’Opéra de Quat’sous, au sein de la compagnie Opéra Eclaté. Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec lui ?
C’était à l’audition de Lost In The Stars, c’était d’ailleurs sur Regard en Coulisse que j’avais lu l’annonce pour l’audition. Je connaissais Kurt Weill mais je ne connaissais pas cette œuvre et le titre m’a attirée. Je suis allée la découvrir sur Internet et ça m’a vraiment intéressée. Je suis allée à l’audition au culot car je ne suis pas une chanteuse lyrique ; je me suis dit qu’ils allaient vite s’apercevoir de la supercherie, même si l’œuvre n’est pas complètement lyrique Et puis, j’ai été retenue. J’ai alors découvert l’Opéra Eclaté, le Théâtre de l’Usine, le Festival de Saint-Céré… Quatre ans plus tard, je suis toujours là (rires) !
Qu’est ce qui vous plaît dans ce festival ?
En un temps réduit, on peut aller voir un tas de spectacles avec parfois de grands écarts comme entre La Périchole et L’Opéra de Quat’sous. On côtoie d’autres artistes qu’on n’aurait pas forcément eu l’occasion de rencontrer par ailleurs. On va voir les spectacles des uns des autres, on se croise, se recroise. C’est comme une grande famille. Et puis surtout, on rencontre le public. Quand on se promène dans la rue, les gens qui vous ont vue la veille vous arrêtent et vous parlent, les échanges sont très spontanés et très simples.
Comment est venue la proposition de jouer le rôle de Polly ?
J’étais aux Folies Bergère en plein filage pour The Black Legends. Olivier m’appelle et me dit : « Je monte L’Opéra de Quat’sous. Polly, ca t’intéresse ? ». J’avais déjà fait un spectacle avec des extraits de Quat’sous en allemand, donc je connaissais un peu l’œuvre, mais j’ai quand même demandé un délai pour finir mon filage et me renseigner sur le personnage… mais évidemment que j’allais dire oui ! Cette critique féroce, sociale et politique me plaisait. Ça a été écrit sous Weimar avant l’ascension d ‘Hitler, et on sait ce que ça a donné, mais ça a un résonance encore plus frappante aujourd’hui. Et puis, musicalement, c’est du Weill, avec un mélange des styles incroyables, une volonté de varier les plaisirs. Il voulait faire la jonction entre les musiques dites « nobles » et celles plus populaires. Et puis, ce rôle est très excitant car il a fallu puiser des choses qui ne sont pas moi.
Quelles étaient les difficultés de ce rôle ?
Le challenge était de passer de « Pirate Jenny » à des airs plus lyriques comme le « Duo de la jalousie ». Ce ne sont pas les mêmes registres vocaux, c’est une gymnastique fatigante mais intéressante. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer. De plus, Manu Peskine, le chef d’orchestre, a voulu que la palette soit large. Il ne voulait pas d’une Polly tout le temps dans les aigus comme on a l’habitude de l’entendre, et la ramener vers des mediums graves. De fait, je suis bien servie avec ces choix d’orchestrations. Ça me permet de naviguer de registre en registre et c’est jouissif !
Votre album « In A Dance of Time », vient de sortir, pouvez-vous nous parler de sa genèse ?
C’est un projet que j’ai depuis que je suis toute petite (rires) ! Après Le Roi Lion, je me suis dit que c’était le moment de faire mon album. C’est d’ailleurs sur Le Roi Lion que j’ai rencontré Karim Attoumane qui est le guitariste mais aussi celui avec qui j’ai co-produit l’album, en m’ouvrant les portes de son studio. On a travaillé sur les arrangements, puis on a commencé à composer ensemble. Ça a pris beaucoup de temps pour trouver le son, l’identité, ce dans quoi je voulais m’épanouir. Et puis, je jouais dans d’autres spectacles à côté et ça me laissait peu de marge. Aujourd’hui, l’album est sorti et Olivier Debordes m’a invitée en résidence au Théâtre de l’Usine avec un concert le 15 octobre. L’album existe, mais le live sera différent. On a guitare, contrebasse, violoncelle, percussions et on va redéfinir l’album avec cette formation.
Comment définiriez-vous votre style ?
Je ne le définis pas (rires) ! Il y a une base de folk, c’est certain, avec l’utilisation de la guitare. Ensuite, on va piocher dans différents continents : la folk nord-américaine, l’Asie et l’Inde avec certaines variations vocales, j’adore aussi la musique classique donc certaines instrumentations peuvent faire penser à ça, et puis il y a sans doute des racines africaines, avec des rythmiques très marquées qui pourrait faire penser au maloya, la musique réunionnaise. Ça pioche dans toutes les influences que j’ai pu avoir et je n’établis pas de cloisons entre les styles. J’ai juste fait quelque chose qui sortait de moi, et qui me semblait cohérent. Les trois mots qui sont restés sont folk, soul, world. Mais moi, je n’aime pas les étiquettes !
Anandha Seethanen au Théâtre de l’Usine, le 15 octobre 2016.