

Amala Landré, comment avez-vous intégré le projet de Moby Dick ? Connaissiez-vous le travail de Jonathan Kerr auparavant ?
J’ai reçu un matin un message de Jonathan Kerr que je ne connaissais pas personnellement. Oh joie ! Jonathan Kerr, The Jonathan Kerr ? L’auteur de Camille C ? Ce spectacle a été l’un de mes coups de coeur! Quand je l’ai vu je me suis dit que c’était ce genre de théâtre musical qui me touchait et que j’avais envie de faire. Et puis il y avait cette chanson » Je suis Camille » qui m’avait bouleversée. J’avais d’ailleurs fait des pieds et des mains pour en trouver la partition et m’ en faire un play back. Elle était alors devenue ma chanson d’audition porte-bonheur !
Je m’empresse donc de rappeler Jonathan Kerr qui me propose un rendez-vous afin de m’auditionner pour son nouveau projet : Moby Dick …
Alors là, dans ma tête je me suis dit : « Euh… Moby Dick ? La grosse baleine ? » Je dois avouer que le thème me faisait moins rêver que celui de Camille Claudel… Mais à la lecture du livret, j’ai compris qu’il ne s’agissait pas du roman tel quel mais d’une libre variation que nous proposait Jonathan. Pour lui, la chasse à la baleine est une métaphore. La véritable quête du capitaine Achab, c’est l’Absolu. Totalement illuminé, il entraînera tous les personnages dans sa folie, tel un despote, en posant des questions que nous ne cessons de nous poser nous même : A quoi sert-il de vivre ? Quelle trace laisserons-nous dans ce monde que nous voudrions maîtriser et que nous détruisons petit à petit ? Le monstre n’est pas seulement la baleine, mais peut-être l’homme lui même et sa cruauté qui découle de ses peurs. C’est cette vision de l’humanité qui m’a particulièrement touchée et donné envie de participer à ce spectacle. J’ai ensuite découvert la partition musicale, les arrangements de Roger Loubet et j ai eu envie d’ embarquer sur le navire !
Comment décririez-vous votre personnage ? Que symbolise-t-il ?
Mon personnage, l’Andalouse, a été inventé de toute pièce par Jonathan. L’onirisme et la pluralité de ce rôle m’ont particulièrement intéressée.Elle représente à la fois la femme fantasmée par le capitaine, sa destinée, sa conscience et la mort. Elle n’existe que dans la tête d’Achab et me paraît pourtant presque universelle.
Quelles sont les difficultés de ce rôle ? Et que préférez-vous dans ce rôle ?
La difficulté dans ce rôle réside dans le fait que l’œuvre étant très opératique j’ai parfois peur de devenir trop moralisatrice ou caricaturale. Erwan Daouphars, notre metteur en scène, m’a dirigée en soulignant la dimension surnaturelle de mon personnage. Quand le doute s’empare de moi, je me rappelle ses indications et je me dis : « Je ne suis pas humaine, tout m’est permis ». Et la liberté sur scène, c’est chouette quand même !
Ca a été un bonheur de travailler avec Erwan qui nous a dirigés avec douceur et talent. Aujourd’hui, je suis heureuse de faire partie de cette aventure, d’autant plus que je suis sacrément bien entourée ! Nous avons trois musiciennes à notre bord : la violoncelliste Johanne Mathaly, l’accordéoniste Crystel Galli, et la harpiste Marianne Le Mentec en alternance avec Laurence Bancaud qui nous accompagnent magnifiquement et créent une ambiance sonore aussi douce que grinçante. Et j’ai eu le plaisir de rencontrer Laurent Malot qui joue le marin. C’est un artiste formidable dont le théâtre musical ne devrait plus pouvoir se passer !
Quels sont vos projets ?
Une comédie musicale aux antipodes de Moby Dick : La Nuit des Flamants Roses. C’est une farce burlesque à sept personnages, un projet vraiment étonnant au comique surréaliste assez proche des pièces de Gombrowicz. J’interprète le rôle de Mademoiselle Chocotte, une jeune fermière montée au palais d’un royaume oublié dans le triangle des Bermudes pour y briguer la place de première dame de la cour. Il y est question de vengeance, d’odeurs mécréantes, de caniche albinos, d’empoisonnement politique, de tromperies assassines et de tourte au fromage. Il y est surtout question au fond d’illusions perdues, de misère sociale, de trivialité régressive et de ce qu’est en mesure de nous offrir un pouvoir étranglé par l’ego… Bref, le livret est des plus originaux et les musiques sont un feu d’artifice d’inventions… Nous avons hâte d’y être ! Nous faisons prochainement deux lectures, le 8 avril à 14 h au Théâtre Michel et le 4 mai à 15h au Vingtième Théâtre. Je serai aussi au Vingtième Théâtre le 11 avril dans Le baiser de la femme araignée, mis en lecture par Jean-Luc Revol.
Lire notre critique de Moby Dick.