Avez-vous toujours été attiré par la comédie musicale ?
A dix ans j’ai été très remué par le film That’s Entertainment, ça m’a passé après quelques années. En 1979, j’ai vu Hair, le film, nouvelle révelation. Je ne me suis pas dit pour autant « Je veux faire de la comédie musicale ». Mais dès le moment où je me suis rendu compte qu’après avoir commencé le théâtre et le chant, je pouvais faire quelque chose avec ma voix, ce qui était un « essai de carrière » est devenu une passion. Maintenant, j’aurais du mal à envisager le chant sans le théâtre et le théâtre sans le chant.
Vous avez travaillé sur des spectacles musicaux très différents. J’aurais aimé savoir quelle fut votre expérience sur certains d’entre eux, comme Cats en 1989 ou Zazou en 1990…
Cats a été une expérience assez dure mais ça reste un bon souvenir, surtout grâce aux gens que j’ai rencontrés. C’était stimulant, il y avait un très bon niveau et je crois que j’ai appris quelque chose en le faisant. Mais ça a été dur parce que j’étais doublure et c’est toujours frustrant de ne jamais atteindre un niveau satisfaisant parce que je ne pouvais pas être chaque soir sur scène dans le même rôle.
Zazou, en revanche, a été une ambiance de grande famille, vraiment chaleureuse. Je n’ai à peu près que des choses bonnes à dire de cette expérience. On n’avait pas l’impression que les gens jouaient des coudes pour arriver à faire quelque chose mais plutôt qu’ils travaillaient ensemble pour donner quelque chose au public.
Puis vint l’époque des Misérables à Mogador, en 1991 et, plus tard, de Mayflower…
J’étais un peu frustré au début des Misérables parce que, à nouveau, j’étais « swing », c’est à dire que je remplaçais tous les petits rôles masculins plus Marius. Mais, ça a été très formateur. On travaillait tellement de rôles qu’on ne s’ennuyait jamais. Ca sauvegardait l’énergie et la motivation.
Dans Mayflower, il y avait une chanson (« Les Temps Modernes » ) que j’adore chanter. Quant au travail avec Rheda, ses chorégraphies sont géniales à danser. Il est très exigeant, le revers de la médaille, c’est que souvent, en danse, on travaille dans la douleur, dans une ambiance autoritaire qui ne me convient pas. Mais j’ai été très content d’avoir fait ce spectacle.
Enfin, l’an dernier, vous avez joué dans Hair à Mogador.
C’était une belle rencontre avec plein de gens qui me sont chers maintenant. C’est mon spectacle musical préféré parmi ceux qui sont très connus. J’adore la musique. Quand je regarde, le film, même s’il est un peu daté, chaque fois j’ai les larmes aux yeux. C’est un thème qui me tient à coeur. Malheureusement, lors la dernière production de Mogador, on avait trop de bâtons dans les roues pour pouvoir faire autre chose que quelque chose de frustrant artistiquement. Mais c’était une très bonne équipe.
Parmi vos projets plus personnels, vous avez écrit le livret, les lyrics et certaines musiques d’une comédie musicale intitulée Créatures. Pouvez-vous nous en parler ?
Ca faisait longtemps que j’avais envie de voir en France se monter des spectacles qui donnent autant d’importance au théâtre qu’au chant, au niveau de la construction. J’ai souvent l’impression que la comédie musicale a mauvaise presse ici et ne rencontre pas un public de théâtre. C’est vrai qu’à chaque fois, ça coûte cher et que les enjeux commerciaux sont tellement importants qu’on essaie de viser le public le plus large possible. On ne cherche pas autre chose que du divertissement pur et simple. Je me suis souvent senti frustré de m’entendre dire que la comédie musicale était quelque chose de superficiel et bêbête.
J’ai été motivé par la rencontre avec un musicien, compositeur de jazz, Lee Maddeford qui m’a proposé de travailler avec lui. Et je me suis dit : pourquoi ne pas essayer de faire une comédie musicale à petit budget ? J’avais beaucoup aimé Souingue ! de Laurent Pelly. C’était une forme de comédie musicale avec une mise en scène très fine, qui n’était pas une imitation américaine mais quelque chose de personnel, de français. Je me suis également laissé influencer par la nouvelle tendance du cirque. C’est pour moi le domaine artistique de spectacle vivant dans lequel la France est vraiment en avance.
Avec toutes ces influences, j’ai eu envie d’écrire un spectacle. Comme j’ai une certaine fascination pour les films d’horreur, je me suis dit que ça pouvait être un thème intéressant. Tout en travaillant avec Lee, je me suis laissé aller à faire un spectacle sur les monstres qu’on a à l’intérieur de nous. Je voulais faire un spectacle qui soit divertissant — je trouve que l’univers de l’épouvante est haut en couleurs et est un bon prétexte à faire un vrai délire théâtral et visuel — et en même temps, c’est un thème qui a de la profondeur.
Vous avez présenté Créatures en anglais à New York, l’an dernier. Où en êtes-vous maintenant ?
J’aimerais le monter à Paris et parallèlement dans des pays anglophones et dans d’autres pays francophones. Je me suis découvert une nouvelle passion. J’ai envie d’écrire et monter des spectacles qui soient du théâtre musical, avec l’ambition de faire des spectacles qui aient un fond substantiel — telles que sont les pièces de Sondheim — mais avec un musique qui me soit plus proche.
Vous voulez continuer à écrire et à jouer ?
J’aimerais faire les deux. Je ne tiens pas forcément à jouer dans mes spectacles mais jouer dans d’autres, pour moi, c’est important. Entrer dans une nouvelle compagnie, rencontrer et travailler avec des gens différents, c’est un des plus grands plaisirs que j’ai dans ce métier.