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Alexandre Bonstein — Coup de poker au Casino de Paris

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Alexandre Bonstein — Coup de poker au Casino de Paris
Alex Bonstein ©Philippe Crochard
Alex Bon­stein ©Philippe Crochard

Quelles ont été les sources d’in­spi­ra­tion pour Créa­tures ? Est-ce autobiographique ?
Ces his­toires de mon­stres sont nées d’im­pro­vi­sa­tions avec le com­pos­i­teur Lee Mad­de­ford au piano, dans l’op­tique d’écrire quelques chan­sons. Curieuse­ment, les trois pre­mières chan­sons qui en sont ressor­ties avaient un rap­port avec l’in­tro­spec­tion et les angoiss­es psy­chologiques. On a alors eu envie de faire tout un spec­ta­cle autour de démons intérieurs per­son­nifiés. La seule chose d’au­to­bi­ographique là-dedans est le besoin, comme tout le monde, de dédrama­tis­er les choses qui nous dépassent, nos fan­tasmes. Don­ner à la Mort des prob­lèmes d’élo­cu­tion, lui retir­er son autorité, c’est une petite revanche per­son­nelle et une bonne occa­sion de rire. Représen­ter Dieu comme un aris­to­crate sans scrupule, indif­férent au sort du genre humain, c’est une manière de touch­er à ce qui est sup­posé être aus­si par­fait qu’i­nac­ces­si­ble. Donc oui, cer­taine­ment, il y a un peu de moi, mais j’e­spère bien que tout le monde s’y recon­naî­tra également.

Com­ment le spec­ta­cle a‑t-il évolué ces dernières années ?
Au fur et à mesure qu’on l’a joué depuis sa réécri­t­ure en français en 2003, on n’a pas arrêté de chang­er plein de choses, chan­sons et mise en scène, y com­pris pen­dant les dates de tournée ou lors du fes­ti­val Diva de l’an dernier. Je suis du genre à remet­tre l’ou­vrage sur le méti­er tant que j’ai des idées d’amélio­ra­tion, donc ce n’est cer­taine­ment pas fini. On a la chance d’avoir avec nous Agnès Boury, met­teuse en scène, qui nous suit depuis la pre­mière pro­duc­tion française au Vingtième Théâtre et qui a le même désir d’op­ti­miser ce qui ce passe sur scène. Notre nou­veau pro­duc­teur, Bernard Bour­deux, n’est pas plus con­ser­va­teur puisque c’est lui qui a pro­posé d’a­jouter deux musi­ciens et de réalis­er une nou­velle ver­sion des décors.

Avec ces nou­veaux moyens et le Casi­no de Paris, le spec­ta­cle peut-il garder l’âme de ses débuts à off-off-Broadway ?
Pour bien fonc­tion­ner, Créa­tures doit rester un spec­ta­cle plutôt intimiste. On ne cherche pas du tout à faire une « grosse pro­duc­tion ». Par exem­ple, j’évo­quais de nou­veaux décors, mais ce bud­get n’est pas si élevé que cela. La créa­tiv­ité de l’équipe, la mise en scène, les cos­tumes et la mise en lumière con­duisent à l’il­lu­sion de décors bien plus rich­es qu’ils ne le sont réelle­ment. C’est le jeu des per­son­nages qui rem­plit la scène et, en cela, on ne trahit pas l’e­sprit orig­inel du spec­ta­cle. Con­cer­nant la salle, le Casi­no de Paris et ses 1 500 places, c’est plutôt une oppor­tu­nité improb­a­ble et imman­quable qu’un choix délibéré. On prof­ite du désis­te­ment d’un artiste et de rela­tions de notre pro­duc­teur. Pour nous, c’est comme un cadeau, une façon de faire con­naître le spec­ta­cle et décrocher une tournée en France… ou à l’é­tranger puisque le spec­ta­cle a été créé en anglais et que la troupe l’a déjà joué dans cette langue. Quoiqu’il en soit, on fait notre max­i­mum pour rem­plir le large espace du Casi­no de Paris d’une atmo­sphère de cabaret et entraîn­er tous les spec­ta­teurs dans notre univers. D’après les gens qui l’ont vu à la pre­mière représen­ta­tion, ça fonc­tionne pas mal.

Une oeu­vre abor­dant aus­si libre­ment les thèmes du sexe et de la reli­gion peut-elle con­quérir un large public ?
Dis­ons que les par­ties géni­tales baladeuses et le per­son­nage de Dieu désacral­isé étaient déjà présents dans la créa­tion orig­i­nale à New York. Dès lors, il n’y avait pas de rai­son d’être plus polit­i­cal­ly cor­rect en Europe ! Je ne cherche ni à cho­quer, ni à provo­quer. Il s’ag­it d’une représen­ta­tion des démons intérieurs d’un homme, ses névros­es et ses fan­tasmes, donc il y a for­cé­ment des choses qui sont un peu trash, icon­o­clastes. De manière générale, je ne chercherai jamais à asep­tis­er mon théâtre à l’eau de rose comme peut l’être par­fois la comédie musi­cale, quitte à heurter cer­tains, mais sans volon­té de le faire.

Pou­vez-vous nous par­ler un peu de vos cama­rades de troupe ?
Je les con­nais depuis fort longtemps comme artistes et surtout comme amis. J’ai ren­con­tré Ari­ane Pirie dans Zazou de Savary, elle était déjà présente à New York dans le rôle de la femme araignée, et Sinan Bertrand et Liza Michael dans Hair. J’ai écrit un rôle sur mesure pour Liza, car je la voulais absol­u­ment dans le spec­ta­cle. Je con­nais Patrick Laviosa de nos années Piano Zinc [NDLR : ancien cabaret dans le Marais]. Enfin, c’est en allant voir un con­cert de Christophe Bon­zom que j’ai trou­vé le dia­ble, la Mort et le vam­pire que je cher­chais, comme une évi­dence. Et puis il y a Médéric Bour­gue, le bat­teur vio­lon­cel­liste, que j’ai ren­con­tré sur Sol en Cirque, et Jérôme Lif­szyc, pianiste, gui­tariste et bassiste, que j’ai con­nu… lors d’une fête. Il y a aus­si Pas­cale Bor­det et Ildiko Hor­wath aux cos­tumes, Philippe Quil­let et Chris­tine Mame aux lumières, et Vir­gile Hilaire au son. Au-delà de leur tal­ent, je leur suis très recon­nais­sant de la façon dont ils se sont investis dans le spec­ta­cle. J’ai rarement vécu cela.

Dans votre dernier entre­tien avec Regard en Coulisse, vous évo­quiez une nou­velle création…
Il est juste temps d’en dire un peu plus car nous venons de sign­er pour le Vingtième Théâtre en sep­tem­bre-octo­bre 2009. Ma nou­velle comédie musi­cale s’in­ti­t­ule Chi­enne, une oeu­vre à 3 inter­prètes et 2 « musichiens ». Isabelle Fer­ron, seule artiste annon­cée à ce stade, tien­dra le rôle de Per­le, un caniche roy­al qui attend son maître et, se croy­ant aban­don­née, passe sa vie en revue pour com­pren­dre ce qu’elle a fait pour en arriv­er là. C’est une parabole sur l’at­tache­ment, la fidél­ité, sur fond humoris­tique évidemment.

En atten­dant, on vous souhaite une fin d’an­née mémorable au Casi­no de Paris.
Puisque vous évo­quez le sujet, je pré­cise que ceux qui le souhait­ent peu­vent venir célébr­er la nou­velle année avec nous au Casi­no de Paris lors de la deux­ième représen­ta­tion du 31 décem­bre (com­mençant vers 22h). L’am­biance promet d’être tout à fait spé­ciale. On attend tout le monde en déguise­ments. Une autre façon d’ap­préci­er Créa­tures en étant un peu plus par­tie prenante. Venez nombreux !