Voici, pour les lecteurs de Regard en Coulisse, mon regard sur les coulisses du Théâtre Musical d’Irkoutsk (Sibérie Orientale), où je monte Bonnie & Clyde en comédie musicale (il ne s’agit pas de la version de Raphaël Bancou qui s’est jouée à Avignon et à l’Alhambra, mais d’un spectacle inédit de Bernard Poli) avec la troupe russe du théâtre.
Premières semaines de répétitions
On m’avait averti : « Tu vas voir… les Russes sont très durs dans le travail… C’est toujours service minimum… Il faut te faire craindre pour être respecté… » De quoi me faire sauter dans le lac Baïkal, moi qui suis plutôt d’une nature aimable et flegmatique…
Eh bien non, les Russes sur lesquels je suis tombé sont travailleurs, motivés et patients, malgré leurs horaires de fous. Il arrive souvent qu’ils viennent répéter avec moi juste avant de jouer un autre spectacle (maquillés et en costume), et même après ou pendant le spectacle s’ils ont beaucoup de temps entre deux entrées en scène !…
Evidemment, sur la cinquantaine d’artistes que j’ai à gérer, il y en a deux ou trois moins motivés que les autres…
Le problème c’est que dans ce théâtre, on ne donne jamais plusieurs rôles au même comédien, ce qui fait que certains sociétaires du Théâtre se retrouvent à n’avoir à défendre qu’un petit rôle au début du spectacle, et ont tendance à traîner la patte quand je leur demande de s’investir.
Et je leur demande beaucoup, car j’aime quand il y a plusieurs couches dans une scène… quand la légèreté cache du drame, et le drame est traité avec légèreté…
Mais j’ai souvent de très bonnes surprises, comme par exemple cet excellent vieux comédien qui joue le juge, qui nourrit sa courte entrée en scène en imaginant très précisément la dure journée qu’il a passé avant au tribunal.
Et puis j’ai adoré quand un des deux Clydes, alors qu’on parlait d’une chanson introspective sur le fait d’être devenu un meurtrier, m’a dit qu’il pouvait trouver une forte connexion à la situation, car il avait déjà tué une vache.
Bref, en général ça se passe bien, surtout quand je montre que je sais ce que je veux, et que j’arrive à me faire comprendre clairement. (Ceux et celles qui me connaissent rendront hommage à mon interprète qui s’arrache régulièrement les cheveux en essayant de saisir ce que je veux dire et en tentant de me faire finir mes phrases…)
Mais bon, j’apprends à être clair, direct et décidé…
Heureusement cette notion m’est rappelée tout le temps, tant il y a de l’électricité statique partout… Dés qu’on touche du métal, on se prend une décharge, ce qui me fait penser à « prendre à bras le corps » sans effleurer ni hésiter.
Je n’ai malheureusement pas d’ assistant(e), car ça n’entrait pas dans le budget.
Et pourtant… je suis très assisté !
Il y a la pianiste accompagnatrice, la dame qui me demande chaque jour de quels accessoires j’ai besoin pour la répétition, la dame qui dirige les chanteurs musicalement, la dame qui souffle le texte aux comédiens, celle qui note les déplacements de tout le monde, la dame qui enregistre les mouvements que je fais et qui les apprend aux comédiens (au début je croyais que c’était la gardienne, avec ses grosses pantoufles..).
C’est un relent de l’ère soviétique qui me plaît bien.
Après il y la technique… (pour le prochain épisode !)