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Albert Cohen, fou des années folles

Albert Cohen, fou des années folles
Albert Cohen (c) Regard en Coulisse
Albert Cohen © Regard en Coulisse

Pourquoi avoir choisi Mist­inguett pour ce futur spectacle ?
C’est un rêve vieux de dix ans ! L’idée m’est venue en dis­cu­tant avec Jacques Pes­sis. Je con­nais­sais évidem­ment Mist­inguett, mais de loin. Je lui ai demandé de me par­ler d’elle et de me racon­ter les années folles. Cela m’a fasciné et pas­sion­né! J’ai gardé cela dans un coin de ma tête, bien décidé à en faire un spec­ta­cle un jour. Pen­dant que je tra­vail­lais sur toutes les autres pro­duc­tions que nous avions avec Dove (Attia), l’idée ne m’a jamais quit­tée. Et le moment est enfin venu.

Pourquoi cet amour pour les années folles ?
Elles sont éblouis­santes ! De 1919 à 1929, Paris fut le cen­tre du monde. C’était la ville lumière, la cap­i­tale des arts et de la cul­ture, par­ti­c­ulière­ment du Music-Hall ! C’est une péri­ode d’effervescence, que j’aurais envie d’appeler les « années inouïes » ! Ceux qui ont fait cette décen­nie ont osé l’impensable, ont fait preuve d’une créa­tiv­ité absolue et d’un sens de la fête incroy­able. Cela s’explique notam­ment par la pre­mière guerre mon­di­ale. Quand hommes et femmes se sont retrou­vés après 4 années de sépa­ra­tion et ce con­flit atroce, ils n’ont eu qu’une seule idée en tête : faire la fête ! Paris s’est alors ouvert au monde entier, notam­ment aux Améri­cains, frap­pés par la pro­hi­bi­tion, ou aux GI noirs accueil­lis à bras ouverts pour qu’ils exer­cent leur art : le jazz et le swing. Ces années, ce sont aus­si les chan­son­niers, le tan­go sur la butte Mont­martre, l’émancipation des femmes — fumant, s’habillant plus court -, finale­ment une époque totale­ment débridée, totale­ment folle, sans aucun inter­dit ! Pleine de références pour en faire un spec­ta­cle, cette décen­nie intense, que j’adore, n’a pour­tant presque jamais été traitée sur scène ou à l’écran. Nous allons donc faire hon­neur à cette page d’histoire à tra­vers son per­son­nage emblé­ma­tique. Récem­ment, il y a eu Gats­by, nous allons faire « Mist­inguett la Magnifique » !

Qu’a‑t-elle apporté au Music-Hall ?
Tout ! Mist­inguett était une sorte de rock star, agis­sant en dehors des codes de son époque, inno­vant, sur­prenant, sans se souci­er des con­ven­tions. En 1920, alors qu’elle a déjà 45 ans et qu’elle a eu son heure de gloire, deux hommes vien­nent la chercher : l’éminent pro­duc­teur Léon Volter­ra, et Jacques Charles, alors grand met­teur en scène. La mort d’une danseuse com­pro­met leur spec­ta­cle. Ils veu­lent la con­va­in­cre de la rem­plac­er. Après avoir hésité, elle va accepter. A la con­di­tion express de pou­voir faire ce qu’elle souhaite véri­ta­ble­ment : la fête, mais sur scène ! Finies les revues tristes qu’elle a con­nues, sans plumes ni pail­lettes, sans girls ni boys. Elle ajoute ces élé­ments, ain­si que du chant, de la danse, et une vraie bonne humeur. Ici même, au Casi­no de Paris, exacte­ment là où nous nous trou­vons actuelle­ment, elle a ain­si créé la pre­mière revue fes­tive de Music-Hall de l’histoire. Cette petite artiste française a non seule­ment défrayé la chronique parisi­enne, mais elle fut une star mon­di­ale, jusqu’aux États-Unis ! Les améri­cains, tel Flo­renz Ziegfeld, l’ont d’ailleurs fait venir à New-York pour don­ner un nou­v­el élan à leur spec­ta­cle. On peut le dire fière­ment : Mist­inguett a inspiré Broad­way ! C’est notam­ment ce que nous allons raconter.

Le rôle est revenu à Car­men Maria Vega. Qu’est-ce qui vous a séduit chez elle ?
C’est Mist­inguett incar­née ! Son culot, sa gouaille naturelle, son tem­péra­ment, son car­ac­tère font d’elle une vraie per­son­nal­ité qui sort du lot. C’est une véri­ta­ble artiste qui mal­gré son jeune âge (30 ans), a déjà des cen­taines de con­certs à son act­if. En plus de son tal­ent, elle pos­sède cette atti­tude, ce charisme qui lui per­met, sitôt sur scène, de s’imposer à la salle. Je ne regrette pas d’être allé la chercher. Il a fal­lu huit mois de cast­ings pour trou­ver exacte­ment les artistes que nous voulions. Qui soient à la fois chanteurs, danseurs mais aus­si de bons comé­di­ens. Nous avons for­mé une équipe que je trou­ve for­mi­da­ble : Fabi­an Richard, Cyril Romoli, Patrice Mak­tav, Gre­go­ry Benchenafi et la toute jeune Mathilde Ollivi­er ont tous un véri­ta­ble tal­ent et de réelles qual­ités. 

Quelle sera la couleur musi­cale du spectacle ?
Nous avons repris trois chan­sons de Mist­inguett, ses trois grands suc­cès incon­tourn­ables: « Mon homme », « C’est vrai » et « Je cherche un mil­lion­naire ». Il y aura aus­si quelques grands stan­dards de l’époque. Pour le reste, le trio Jean-Pierre Pilot et William Rousseau pour la musique et Vin­cent Baguian pour les textes s’est chargé de créer des chan­sons. Elles auront une sonorité « Elec­tro-pop-jazz ». Ce sera un melt­ing pot musi­cal – dans l’esprit des années folles, et ça va swinguer ! Quant au livret  ‑essen­tiel dans notre méti­er — deux années d’écriture ont été néces­saires à nos auteurs François Chou­quet, Ludovic-Alexan­dre Vidal et Jacques Pes­sis, « l’encyclopédie vivante du Music-Hall ». Ils ont respec­té scrupuleuse­ment les faits, tout en y ajoutant des per­son­nages fic­tifs tel Sci­p­i­on le voy­ou, antag­o­niste de l’histoire.

En 2014, n’est-ce pas osé de traiter ce thème qui par­le peu au public ?
Cela ne leur par­le pas tant qu’on ne leur a pas expliqué ! Vous savez, quand on a décidé de mon­ter un spec­ta­cle sur Mozart, il y avait ce même risque… Quant aux Dix com­man­de­ments, c’est bien sim­ple, per­son­ne n’adhérait au départ! Ni les jeunes, ni les moins jeunes, tous nous dis­aient : « mais vous êtes fous ! Vous croyez que les gens vont acheter un bil­let pour s’entendre dire : tu ne vol­eras point, tu ne tueras point ? » Je leur répondais : « vous ver­rez, on va vous racon­ter la plus belle his­toire de tous les temps. » Finale­ment, on a embar­qué tout le monde ! L’intérêt de notre méti­er est de décel­er le sujet qui sem­ble à pri­ori laiss­er scep­tique, mais qui, traité de la bonne manière, attaqué sous le bon angle, devient une pépite. Mist­inguett et les années folles, c’est tout sauf ringard ! D’ailleurs, cette péri­ode et le thème de Gats­by ont été les plus util­isés pour l’animation des fêtes de fin d’année dans notre pays.

Après toutes vos pro­duc­tions à suc­cès, vous quit­tez votre salle fétiche…
En quinze ans, nous avons pro­duit avec Dove six spec­ta­cles grand for­mat sur un mod­èle « Palais des Sports ». Mist­inguett sera évidem­ment plus proche du Music-Hall, mais il y aura quand même 250 cos­tumes (à mon grand désar­roi !), 35 artistes sur scène, près de 15 change­ments de tableaux, une scéno­gra­phie imposante et cinq musi­ciens en live. Un dis­posi­tif presque dis­pro­por­tion­né par rap­port à ce qui se fait dans ce type de salle ! Bien sûr, cela peut sur­pren­dre que nous choi­sis­sions une jauge plus petite qu’habituellement. La rai­son est toute sim­ple : je voulais jouer sur les lieux de l’histoire. Au Casi­no de Paris. Là où tout s’est réelle­ment passé. C’est mag­ique ! Moi qui porte ce pro­jet depuis dix ans, je suis vrai­ment heureux qu’il voit enfin le jour. Avec chaque spec­ta­cle, on repart à zéro. On se retrou­ve devant une feuille blanche et on prend un vrai risque. Si c’est une grande dose de tra­vail, une grande dose de stress, c’est tou­jours une grande dose de bonheur.

Mist­inguett- Reine des années folles
A par­tir du 18 sep­tem­bre 2014 au Casi­no de Paris
Mistinguett-lespectacle.fr

Retrou­vez toutes les vidéos du show case.

A venir les inter­views de Fabi­an Richard, Cyril Romoli et Gré­go­ry Benchenafi.