Il y a quinze ans, les studios Disney étaient à la recherche d’une formule magique pour redynamiser leurs dessins animés moribonds. Ils décidèrent alors de faire appel au duo qui venait de faire sensation off-Broadway avec La petite boutique des horreurs. Et c’est ainsi qu’Howard Ashman (paroles) et Alan Menken (musique) se retrouvèrent chargés de donner sa voix à… La petite sirène.
Les années Ashman
Alan Menken a appris très tôt à jouer du violon et du piano. Jeune auteur de chansons et de jingles pub, il se produit aussi en tant qu’interprète dans des cabarets new yorkais. C’est là qu’il fait la connaissance d’Howard Ashman, un jeune homme sombre et beaucoup plus underground que lui.
Tous les deux écrivent un premier musical en 1979, God Bless You, Mr. Rosewater, mais c’est La petite boutique des horreurs, trois ans plus tard, qui leur apporte la célébrité : l’histoire, tirée d’un film de série Z (une plante carnivore venue de l’espace dévore ceux qui ont l’imprudence de vouloir la nourrir !), est sans prétention mais les dialogues et les chansons bien construits apportent un peu de fraîcheur dans le Broadway sinistré de l’époque.
Chez Disney, le duo va appliquer les recettes apprises sur les planches. C’est le traitement de choc dont la maison de Mickey avait bien besoin. Après La petite sirène, c’est La Belle et la Bête qui illustre le style Ashman-Menken : ouverture très théâtrale, chansons qui font avancer l’histoire et mieux connaître les personnages et numéros destinés à être applaudis (« Sous l’océan », « C’est la fête ! »). Bientôt, les films sont construits autour de la partition comme à l’époque de Walt Disney.
Hélas, Howard Ashman meurt du SIDA alors qu’Aladin n’est qu’en début de développement. Pour Menken, c’est une tragédie personnelle autant qu’artistique. Dans toutes ses compositions ultérieures, il cherche à reproduire une formule ashmanienne qui n’évolue plus vraiment. Il achève néanmoins Aladdin avec Tim Rice (Jesus-Christ Superstar, Evita), l’ancien complice d’Andrew Lloyd Webber.
Menken sur tous les fronts
Peut-être pour ne pas céder au chagrin, Alan Menken compose à tour de bras, désormais avec Tim Rice et Stephen Schwartz (l’auteur de Godspell) : Pocahontas une légende indienne, Le Bossu de Notre Dame, Hercule. Mais les goûts du public évoluent et les plus gros succès Disney de ces dernières années se sont faits sans lui (Elton John pour Le roi lion et Phil Collins pour Tarzan). En 2000, c’est Sting qui signera Kingdom In The Sun tandis qu’aucun nouveau dessin animé n’a officiellement été proposé à Alan Menken.
Heureusement, son influence s’est également fait sentir dans un autre domaine : la scène. En 1993, la Walt Disney Company décide de se lancer dans la production de grands musicals scéniques auxquelles son nom a fréquemment été mêlé.
C’est d’abord La Belle et la Bête qu’il complète en utilisant des chansons écrites par Howard Ashman mais écartées du film (« Human Again ») et de nouvelles mélodies avec Tim Rice (« If I Can’t Love Her »). Gros succès de la scène, le spectacle, en 6e année à Broadway, est exporté dans le monde entier (rien que pour l’Europe : Vienne, Londres, Stuttgart et prochainement Madrid). Le musical rapporte désormais chaque année autant que le film lors de sa sortie !
Fort de ce succès, il signe coup sur coup une adaptation de Un chant de Noël de Dickens, spectacle désormais monté pratiquement chaque année à Broadway, ainsi qu’un oratorio biblique. Composé pour la réouverture du New Amsterdam, le théâtre historique tombé en ruine et restauré à grands frais par Disney, ce King David reste pourtant l’un de ses rares échecs (avec le film News Boys).
Enfin, en 1999, Le bossu de Notre-Dame écrit avec Tony Schwartz, ouvre à Berlin sous les hourras du public et d’une partie de la critique. Mais ce succès aura peut-être du mal à se reproduire ailleurs, pris de vitesse par la déferlante Notre Dame de Paris de Plamondon et Cocciante qui doit débuter en Angleterre et aux Etats-Unis avant le musical de Disney !
Alan Menken est l’un des compositeurs les plus riches au monde. Multirécompensé (Oscars, Golden Globes, Tony Awards etc.), peut-être aussi un peu surexposé ces dernières années, il s’exprime au mieux de son talent quand il est porté par les histoires, les livrets et les paroles forts des autres. Il n’en demeure pas moins le plus brillant trait entre Broadway et Hollywood depuis l’âge d’or d’Irving Berlin et de Cole Porter.
Les principaux musicals scéniques d’Alan Menken
1979 : God Bless You, Mr. Rosewater
1982 : La petite boutique des horreurs à Broadway
(version française en 1986. Adaptation et mise en scène Alain Marcel)
1994 : La Belle et la Bête à Broadway
(versions à Londres et Stuttgart en 1997, à Madrid en 1999)
1994 : Un chant de Noël à Broadway
1997 : King David à Broadway
1999 : Le bossu de Notre Dame à Berlin
On trouve les CDs des spectacles et films Disney d’Alan Menken chez Walt Disney Records et La petite boutique des horreurs chez Geffen Records (préférer dans ce dernier cas, la version scénique à celle du film).