D’où vous vient cet intérêt pour la comédie musicale ?
À la base, je suis un passionné d’opéra et ce depuis que j’ai dix ans. J’en ai fait mon métier en devenant critique dans mon pays natal, la Suisse. Ensuite, j’ai travaillé comme dramaturge au Grand Théâtre de Genève ; la dramaturgie est un domaine qui m’intéresse beaucoup. En effet, j’aime étudier comment raconter une histoire en utilisant la musique et le geste. C’est valable dans l’opéra, mais tout autant dans d’autres formes comme l’opérette ou la comédie musicale. Mon intérêt pour ce genre a véritablement pris corps voilà quinze ans, grâce aux enregistrements de grands classiques de Kern, Porter par John McGlinn chez EMI avec des musiciens classiques. Ensuite, j’ai pu découvrir des spectacles sur scène à Londres et New York. Ma curiosité s’est accrue au fil des années et ma prédilection pour Sondheim n’a fait que s’affirmer.
Vous avez d’ailleurs monté une de ses comédies musicales ?
Avec ma structure, l’Opéra de Poche, nous avons effectivement monté Sweeney Todd à Genève, spectacle qui tourne encore en ce mois de décembre 2009. Cette production a bien marché. Nous avons bénéficié de la sortie du film de Tim Burton, hasard du calendrier, qui a coïncidé avec nos représentations.
Comment avez-vous conçu votre livre ?
Il s’agit d’une petite encyclopédie qui aborde le genre sous plusieurs angles. Ce fut très agréable à écrire car je n’avais pas un ordre strict à respecter. Ce livre, ce fut comme une mosaïque qui s’est construite, petit à petit. J’ai rédigé L’Opéra : mode d’emploi voilà dix ans. Pour ce nouvel opus, j’ai repris la forme, qui me semblait claire, distrayante et instructive. Pour l’écrire, je me suis basé sur les connaissances que je possédais déjà et me suis documenté pour nourrir certains chapitres. Je ne connaissais pas, par exemple, The Music Man. Pour le livre, je me suis plongé dans cette œuvre ; ce fut une belle découverte. J’ai toujours été étonné qu’en France, il n’existe pas d’ouvrage de référence sur ce genre théâtral. On peut en trouver, très bien faits d’ailleurs, sur la comédie musicale au cinéma, comme si le genre se limitait au septième art. Mais l’aspect scénique est très important, il me semblait donc intéressant que ce « mode d’emploi » existe. Je précise que je ne suis pas un spécialiste de la comédie musicale, mais un amateur. Si, à travers ce petit livre, je pouvais donner l’envie à des éditeurs de publier d’autres ouvrages, plus pointus, je serais ravi. Il faut dire qu’en France, vous ne manquez pas de spécialistes. Même si la comédie musicale n’est plus mise au placard comme par le passé, il reste encore du chemin à parcourir. J’espère que, d’ici quelque temps, l’actualité justifiera la parution d’un livre entièrement consacré à la comédie musicale en France.
Quels sont vos coups de cœur en matière de comédie musicale ?
Un peu comme pour l’opéra, mes goûts sont très éclectiques. Disons que mes intérêts ne me portent pas véritablement vers les « opéras rock » français actuels, car ils ne prennent pas suffisamment de soin de la dramaturgie. En revanche, j’ai adoré Show Boat, la version avec Elaine Stritch, mais aussi A Little Night Music montée à Londres avec Dame Judi Dench. Je dois dire que West Side Story me fascine toujours autant, surtout pour les chorégraphies d’une puissance incroyable de Jerome Robbins. Sunday in the Park with George, dans la production de la Menier Chocolate Factory, m’a beaucoup ému. J’aime aussi Billy Elliot pour la manière dont la danse s’intègre à l’intrigue, le spectacle est très touchant.
Pensez-vous que l’on assiste à une renaissance du genre en France ?
L’évolution récente est marquée bien entendu par le formidable succès de Notre-Dame de Paris, qui signait la renaissance des opéras rock, ainsi que des reprises de Starmania, qui ont engendré une vague de gros spectacles. Je note également que le goût du jeune public s’est orienté de nouveau vers la voix, par des émissions comme la Star Academy par exemple. La mise en valeur du chant, l’expressivité, ne sont donc plus un obstacle, bien au contraire. Et c’est parfait pour la comédie musicale. Le public a envie qu’on lui raconte une histoire par l’intermédiaire du chant, de la danse et de la comédie. Cela favorise, du coup, les formes plus modestes, en tout cas moins médiatiques, de certains spectacles qui n’en sont pas moins captivants, tels les spectacles d’Alain Marcel. Et l’implantation de Stage Entertainment en France participe aujourd’hui de ce mouvement. C’est bien la première fois que de grosses productions tiennent l’affiche plusieurs années. La politique du Châtelet, dans son effort de programmer des comédies musicales, paie puisque l’amateur d’opéra finit par s’intéresser à son tour à ce genre. De nos jours, il est rare, même à Broadway, d’assister à des spectacles avec autant de musiciens que ceux de la troupe de The Sound of Music.
Quels sont vos projets ?
En matière de comédie musicale, rien de concret pour le moment. Mon travail comme conseiller artistique et dramaturge au Festival d’Aix-en-Provence me prend beaucoup de temps, et il en faut également beaucoup pour monter un musical. J’avoue être un monomaniaque de Sondheim… Pour monter en français Sweeney Todd, je pensais affronter des obstacles extrêmes, à commencer par les droits. Il n’en fut rien. Par ailleurs, l’accueil très chaleureux du public – qui avait un regard totalement neuf puisqu’il ne connaissait pas cette œuvre – m’a donné envie d’aller plus loin. Du coup, je me rêve à penser à une adaptation française de Sunday in the Park with George, ce serait dans l’ordre des choses ! Une comédie musicale qui se déroule en France, avec un peintre français [NDLR : Georges Seurat]. De plus, j’ai lu dans un livre de la bibliothèque du Congrès que Sondheim a travaillé ses lyrics en les versifiant « à la française ». En les examinant, ils sont construits effectivement d’une autre manière que ceux de comédies musicales plus « américaines ». On peut donc imaginer qu’une traduction ne détériorera pas trop la magie de l’œuvre originale. Mais c’est encore un rêve…
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