Rendre l’opéra accessible
Passionné par la transmission du savoir, Alain Duault est naturellement devenu un homme de médias afin de partager son amour de la musique classique et du lyrique. « J’ai la même volonté pédagogique et de clarté avec les gens que j’avais avec les enfants pendant les 10 ans où j’ai enseigné. J’ouvre des fenêtres et je vais à la recherche de nouveaux publics. Je ne veux pas convaincre les convaincus, je vais sur RTL ou sur FR3 parce que la musique classique est pour tout le monde. Si j’étais peintre, je préférerais être exposé dans une galerie au milieu de la rue principale, entre la boulangerie et le libraire, qu’au fin fond d’un musée ! ».
Quand il n’écrit pas des livres beaucoup plus intimes, Alain Duault s’applique donc à décomplexer ceux que les ors et la pompe classiques intimident encore. « Je commence par la visite des plus belles maisons d’opéras du monde », explique-t-il à propos de son dernier opus, Invitation à l’opéra. « Le plaisir de l’opéra passe en effet par la magie de ces lieux mythiques, de ces écrins. Aucun disque ne vaudra jamais l’émotion qu’on éprouve dans une salle ». Le néophyte apprend aussi les différents composants d’un opéra avant de plonger dans son histoire, ses grands créateurs et ses oeuvres majeures. Le bonheur d’heures passées à l’écoute de ces dernières éclate à chaque page. « Je veux réhabiliter la notion de plaisir populaire qui s’est perdue au 20e siècle. La musique est devenue plus complexe et touche le public intellectuellement à défaut de le toucher émotionnellement. Si Verdi vivait aujourd’hui, il écrirait certainement de la musique de films ! ».
Aux côtés des grandes écoles italienne, allemande, française et russe, on découvre avec surprise l’existence — et souvent la vitalité — des opéras polonais ou magyar ! C’est un combat qui ne date pas d’hier : quand il dirigeait le magazine de référence Avant-Scène Opéra, il avait déjà tenté — en vain — de convaincre des directeurs d’opéras de monter Moniuszko. « C’est inconcevable : on est à deux heures de Varsovie et on ignore jusqu’au nom de ce dernier. Mais pour les Polonais, il est plus important que Chopin ! Malgré les progrès de la communication, nous restons très ethnocentristes ». Et Alain Duault de rêver au Manoir hanté chanté à Paris… en polonais. « Autant je suis favorable au surtitrage qui permet de mieux comprendre la trame, autant je n’aime pas les opéras traduits en français. Quand un compositeur écrit une nasale et qu’il l’associe à un hautbois, ce n’est plus du tout la même chose si la traduction en fait une sifflante. D’ailleurs, Verdi lui même, qui avait créé Don Carlos à Paris en français, a dû procéder à quelques arrangements avant de le remonter en italien ».
Quel avenir pour le lyrique ?
En ce moment, il prépare une émission spéciale sur FR3 dans le style de celle qu’il avait proposée il y a quelques années avec Tosca à Rome. « Les 3 et 4 juin, nous allons monter La traviata. Chaque acte sera diffusé en direct, à l’heure et sur les ‘lieux’ mêmes ou presque de l’action, dans et autour de Paris ». Deux jours de retransmissions prestigieuses qui font malheureusement un peu exception sur un service public qui programme désormais la musique classique et le lyrique au tréfonds de la nuit. Alain Duault a plus de chance à la radio où il dispose d’une tribune quotidienne et de proximité pour partager sa passion.
Quel est aujourd’hui l’avenir de l’opéra ? Peut-on ramener dans les salles un public populaire qui les a désertées aux profits des multiplexes et des stades ? « Il y a dix ans, j’étais plus pessimiste. Mais maintenant, j’ai l’impression que la parenthèse de la musique sérielle [Musique basée sur les douze notes de la gamme (do, do dièse… jusqu’à si) et formant une série utilisée de manière répétitive. La musique sérielle, qui a exercé une influence profonde sur l’art du 20e siècle, s’oppose à la musique tonale, réputée plus facile d’accès] se referme. Des artistes comme Philip Glass ou John Adams réconcilient rythme et harmonie. Je viens d’entendre en avant-première Elephant Man de Laurent Petitgirard. C’est un très bel opéra basé sur l’histoire et non sur le film mais pour le moment, on lui a proposé de le créer… en Allemagne. J’espère que cela aura plutôt lieu en France. En attendant, les compositeurs qui pratiquent la nouvelle musique — par opposition à la musique contemporaine désormais liée au dodécaphonisme — ont l’air d’avoir envie d’en composer, donc je pense que l’opéra a un avenir ».
Tant que l’opéra restera une matière vivante, Alain Duault n’aura aucune raison de retourner à l’enseignement !
Verdi, une passion, un destin
Il y a quinze ans, Alain Duault a écrit une biographie de Giuseppe Verdi qui fait désormais référence en Italie même ! Il prépare pour l’an prochain un grand spectacle populaire pour commémorer le centenaire de sa disparition.
Comment est née l’idée de Verdi, Une passion, un destin ?
Aïda et Nabucco on déjà été montés à Bercy qui cherchait donc un moyen différent pour le centenaire de la mort de Verdi. Quand j’ai mis les pieds dans la salle vide et que je me suis dit « il va falloir remplir ça », ça m’a fait un choc ! Mais maintenant, ça y est, la trame est terminée et la distribution est en cours.
Il s’agira d’un collage de scènes et d’airs ?
Oui. Il y aura un récitant sur scène, Jean Piat, et des séquences sur Verdi qui seront projetées sur de grands écrans. Elles serviront de lien entre les grands airs, scènes et temps forts de ses oeuvres, de l’ouverture de La force du destin au choeur des esclaves de Nabucco. J’ai bien conscience qu’en choisissant de faire une « compil » à Bercy, je vais au devant de bien des critiques. Mais cela m’est égal : je sais que je vais toucher par ce biais un autre public que celui qui va à l’opéra et c’est le plus important.
C’est un show à grand spectacle ?
Oui, le chef Nello Santi dirigera 8 solistes et un un orchestre de 150 musiciens. On comptera aussi 200 choristes. Verdi, Une passion, un destin ouvrira le 8 mars 2001 au Palais Omnisports de Paris Bercy. Le spectacle est déjà acheté par de nombreuses villes : Toulouse, Nîmes, Lyon ou encore Strasbourg. Et il est prévu qu’il tourne en Allemagne, en Autriche, au Japon, en Australie, en Amérique du Sud et bien sûr en Italie !