

Alain Berliner, comment est née l’idée de ce scénario ?
Je travaillais sur tout à fait autre chose, j’écrivais un film où il y avait trois histoires qui se croisaient. A la fin du scénario, je trouvais qu’il y avait une histoire qui me plaisait plus que les deux autres et que j’avais envie de développer. C’était l’histoire de la répétition du secret, de génération en génération, et de l’effet dévastateur que ça peut avoir, mais je n’aimais pas trop le déclencheur de cette répétition : je n’avais pas envie que ce soit un meurtre, un viol, ou quelque chose comme ça. Par ailleurs, depuis longtemps, j’avais envie de faire une comédie musicale. J’ai toujours aimé les passages un peu musicaux dans mes films. J’avais envie de me lancer là dedans mais je n’avais jamais trouvé le sujet et je me suis dit : ‘Tiens, ce serait marrant que ce qui déclenche la répétition, ce soit le fait que tous ces hommes veulent devenir des danseurs de comédie musicale’.
Après, je me suis rendu compte que ce que je préférais dans les comédies musicales, c’est les claquettes. C’est parti comme ça, même si je savais bien que la comédie musicale, ce n’est pas le genre le plus actuel. Mais j’avais envie de mélanger tout ça et d’avoir un côté un petit peu décalé.
Quelles étaient vos références en matière de comédies musicales ?
J’aime beaucoup les comédies musicales très colorées : Chantons sous la pluie, Mariage Royal… J’aime beaucoup le duo Fred Astaire — Ginger Rogers en général. Je trouve que ce que Vincente Minnelli a fait sur Tous en Scène ou Un Américain à Paris est fantastique.
Au début, dans les années 30 ou 40, les réalisateurs filmaient en plan large. Il y en avait très peu, si ce n’est Busby Berkeley, qui osaient faire des plans filmés d’en haut et des grandes chorégraphies. Et puis avec l’arrivée de Minnelli, de Stanley Donen et Gene Kelly, il y a eu un nouveau langage qui intègre les mouvements de caméra à la manière de filmer et à la manière de danser. Et je trouve que la quintessence de ça, c’est vraiment dans Chantons sous la pluie. Cet espèce de glissé fabuleux, ces mouvements d’appareil qui montrent toujours ce qu’il faut montrer au bon moment. Le plus compliqué dans la comédie musicale, c’est finalement : ‘Qu’est-ce qu’on montre ?’. On montre les gens qui dansent ou on montre leur bonheur ? Il faut arriver dans la chorégraphie à choisir des moments où on va montrer la danse, et d’autres où on va montrer l’émotion des comédiens. C’est un travail très passionnant qui vient très en amont du tournage.
J’ai appris comme ça que Fred Astaire ou Gene Kelly mettaient environ huit semaines à créer un numéro, en partant de rien. Ils étaient avec un pianiste dans une salle de répétions et ils cherchaient.

Avez-vous revu beaucoup de comédies musicales avant de tourner ?
Il y a des DVD qui sont sortis avec les plus grands numéros de comédie musicale, donc je les ai revus assez largement, en avant, en arrière…
Je savais bien que Vincent Elbaz n’était pas un danseur à la base. J’avais un acteur qui allait apprendre à imiter des pas de comédie musicale. Je n’allais jamais avoir des chorégraphies comme ce que Gene Kelly, Fred Astaire ou les Nicholas Brothers auraient pu faire. Ce qui m’intéressait plutôt, c’était de regarder comment c’était filmé, quelle était l’ambiance générale, quelle était l’énergie…
Qu’est-ce qui vous a semblé le plus difficile à faire dans ce film ?
C’était justement toute la partie musicale : trouver le style musical qui s’adapte aux claquettes, qui soit un hommage à la comédie musicale, mais qui ne soit pas pour autant des reprises de Cole Porter ou d’Irving Berlin. J’avais envie de partir de chansons modernes, d’aujourd’hui ou d’il y a une dizaine d’années, pour arriver à simplement dire que les claquettes, c’est quelque chose de relativement intemporel.
Je trouvais ça marrant de faire danser le personnage interprété par Vincent sur des adaptations de chansons qui dataient de la fin des années 90. Pour quelqu’un comme son personnage, qui a eu 15–20 ans à cette époque, c’est un moment qui a été important, car c’est à cet âge-là qu’on découvre ce qu’on va aimer véritablement au niveau musical.
Vous avez travaillé avec Marc Collin, du groupe Nouvelle Vague ; ce n’était pas forcément un choix évident ?
Ah si, pour moi, c’était très évident ! Quand j’ai entendu le premier Nouvelle Vague, j’ai été sidéré par la manière dont il transcendait des morceaux que je connaissais très bien. J’ai commencé à écouter de la musique avec le mouvement punk et j’étais sidéré de voir par exemple l’adaptation qu’il a faite du morceau de Joy Divison, « Love Will Tear Us Apart ».
N’avez-vous pas envie maintenant d’aller un peu plus loin et de passer à une comédie musicale avec des dialogues chantés par exemple ?
J’ai un peu de mal avec le genre West Side Story ou Jacques Demy où les gens se parlent à travers des chansons. Je n’y crois pas trop. Par contre, j’aime beaucoup les chansons qui expriment les émotions ou l’intériorité des personnages, un peu comme si c’étaient des voix off. Quand j’étais à l’école de cinéma, un des premiers courts-métrages que j’ai fait était basé sur la chanson de Françoise Hardy « Tous les garçons et les filles ». C’était l’histoire d’un couple qui se rencontrait et d’un autre qui se séparait, et le seul lien entre les deux couples était cette chanson. J’ai toujours aimé le rapport à la musique, et si possible avec des chansons pop, pas trop culturelles. Je trouve que dans les chansons populaires, il y a quelque chose de très fort.
En tout cas, j’ai bien aimé faire de la comédie musicale et j’en referais bien volontiers.
Pensez-vous que c’est un genre qui est en train de revenir ?
Il me semble que c’est un peu comme le western, un genre qui appartient plutôt au passé. Et puis d’une année sur l’autre, il y a trois ou quatre westerns qui sortent… et je vais les voir d’ailleurs, car j’adore ça. J’aimerais beaucoup faire un western d’ailleurs. Peut-être que je devrais faire un western qui soit une comédie musicale, comme ça je mettrais les deux en même temps !
J’aurais voulu être un danseur, un film d’Alain Berliner, en salles à partir du 29 août.